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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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se
divertir, à visiter le dimanche les luneaux à l’asile de Bedlam, tant ils sont
d’eux raffolés, « étant un peu fous eux-mêmes » me dit en riant my
Lady T, une fois que nous fûmes en sûreté, la portière close et les
tapisseries rabattues.
     
     
    Entourée de son conseil,
Elizabeth I re reçut en grande et magnifique pompe M. de
Bellièvre le 28 novembre, non en Whitehall, mais à Richmond, qui est un
autre de ses palais, et des plus beaux. Mais pour moi, je n’avais d’yeux que
pour cette grande Reine, de l’Église réformée ultime recours et dernier
rempart, sans lequel notre foi huguenote serait promptement et partout dans le
monde écrasée par Philippe II. Autant que j’en pusse juger (pour ce
qu’elle était assise sur son trône), elle n’était point fort grande, mais
droite et mince, superbement parée d’une robe d’apparat de pourpre et d’or dont
je ne vis jamais l’égale, sauf sur la Reine Margot lors de son mariage avec
Navarre, portant autour du col une fraise qui tenait autant de la collerette
que de la fraise, pour ce qu’elle se relevait par-derrière sur la nuque et
par-devant, au lieu que les deux bouts se joignissent, s’écartait et laissait
voir la gorge qu’ornait un pendentif où brillait, entouré de perles, le plus
gros rubis que j’eusse jamais vu. Des perles d’une grosseur tout aussi
remarquable pendaient à ses oreilles, et une autre de son coffion, lequel,
laissant à découvert, en haut du front, deux rouleaux embouffés de cheveux d’un
roux vénitien, se terminait par un grand gland rejeté galamment sur le côté
dextre de la tête et terminé par un bouquet de petites plumes blanches et une
perle encore. Mais de celles-ci, la plus grosse pendait par un fil d’or sur le
haut et le milieu du front, son orient le disputant en blanche matité audit front,
lequel était immense et lumineux. À envisager la face, je trouvai, à dire tout
à plein le vrai, le menton quasi masculin, le nez un peu long, les lèvres
minces et prudentes, mais les yeux, en revanche, fort beaux, vifs, parlants,
pleins d’esprit, sans cesse épiant qui-cy qui-là, à s’teure M. de Bellièvre, à
s’teure les beaux gentilshommes de sa suite, le premier comme une Reine, les
seconds comme une femme, mais sans se laisser détourner de l’essentiel –
lequel était pour elle le déportement à son endroit de mon maître en ces
occasions.
    Le pompeux Pomponne, qui n’avait
cessé de polir et repolir sa harangue depuis qu’on avait quitté Paris, ne fit
certes pas mentir son surnom et parla une grosse heure, plus content de soi que
la Reine ne l’était de lui, et bien plus ennuyeux qu’une journée de pluie à
Londres. Tout y passa : le grand Alexandre, Homère, Virgile, David et
Saül, César et Auguste, ce dernier étant donné comme le plus bel et rare
exemple de clémence brillant à travers les siècles. Étant le truchement de
l’ambassadeur et traduisant son discours au fur et à mesure qu’il le prononçait
(ce qui en multiplia encore la longueur), je tâchais d’en atténuer les termes,
surtout quand il laissa planer quelques menaces voilées quant aux intentions du
Roi de France au cas où Mary Stuart, sa belle-sœur, serait condamnée.
Adoucissements et atténuations qu’Elizabeth ne faillit pas à remarquer, à ce
que je vis à un petit brillement de son bel œil, ce qui me donna à penser que
my Lady T n’avait pas erré en me disant que Sa Majesté parlait le
français, l’italien et le latin aussi bien que sa langue naturelle. J’opine que
si elle ne m’interrompit pas pour dire qu’elle entendait sans mon aide M. de
Pomponne, ce fut pour permettre à ses conseillers, dont d’aucuns se peut
n’étaient pas aussi bons linguistes qu’elle-même, de suivre le fil filandreux
de ce volumineux verbiage.
    Cependant, quand Pomponne de
Bellièvre eut fini, elle prit la parole en français avec une abondance et une
véhémence qui laissèrent l’ambassadeur pantois, pour ce qu’elle parlait tout à
la fois en Reine et en femme, et le réduisit au silence tant par ses raisons
que par sa volubilité.
    — Monsieur de Bellièvre,
dit-elle d’une voix à la fois douce et forte, je garde fort bien en mon esprit
tout votre discours pour l’avoir ouï deux fois, une fois par vous, une autre
par votre truchement. Je l’ai si bien entendu que je n’en ai pas perdu un mot.
Et je suis très fâchée, Monsieur de Bellièvre, qu’un personnage tel

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