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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pressé qu’il ne peut qu’il ne soit machiavélien.
    — Mon alouette, poursuivit la
Reine, dois-je bien entendre que mon frère bien-aimé approuve le procès ?
(Et j’admirai là une fois de plus que, combien que Mary Stuart fût partout
présente en cet entretien, elle n’y était jamais nommée.)
    — Nenni, dis-je.
    — Nenni ! s’écria la
Reine. Où donc est votre logique gallique ? Alouette, ta conclusion réfute
tes prémisses !
    — Que non point, Votre
Majesté ! dis-je. Mon maître estime que touchant les crimes de
lèse-majesté, l’exécution doit précéder la sentence, et non l’inverse.
    — « L’exécution doit
précéder la sentence », répéta la Reine. My moor, que veut dire ce
jargon ?
    — Qu’il faut dépêcher le
traître sans lui faire un procès.
    — Mais c’est un
assassinat ! dit la Reine avec indignation, et fort répugnant à l’humeur
de mon peuple, lequel veut que le coupable soit jugé dans toutes les formes,
même si la sentence ne fait pas le moindre doute.
    À quoi je souris quelque peu, mais
sans dire mot ni miette, ne voyant guère de différence entre le coup d’épieu
qui avait tué Coligny, et la hache du bourreau, quand celle-ci répondait si
docilement à la volonté du souverain.
    — Les Français, dit Walsingham
qui avait vu mon sourire, ayant des mœurs différentes des nôtres, nourrissent
moins de respect que nous pour la loi et les formes. Quand le souverain et ses
intimes conseillers ont décidé qu’un vassal était félon, ils décident sa mort
sans procès et sans juges et confient l’exécution au tueur du Roi.
    — Le tueur du Roi !
s’écria Elizabeth, y a-t-il un tel office en le royaume de France ?
    À quoi, comme je ne voulais pas
répondre, Walsingham fit « oui » de la tête.
    — Poursuis, mon alouette, dit
la Reine qui, combien qu’elle eût tant sourcillé, ne voulut point presser le
point plus outre, de peur de paraître critiquer son « frère
bien-aimé ».
    — Cependant, repris-je, mon
maître opine aussi que vous êtes meilleure juge que personne au monde des
manières et moyens propres à vous garder en vie et à préserver la paix en votre
État.
    — On ne pourra pas dire après
cela, dit la Reine avec un sourire, que la subtilesse est le point faible du
Roi de France. Poursuis, mon alouette.
    — Ce que j’ai à dire de présent,
repris-je non sans quelque émeuvement, n’a pas de relation avec la personne
dont nous parlons, ce message-ci étant si secret et d’une telle et si immense
conséquence, que mon maître m’a recommandé de ne le destiner qu’aux seules
oreilles de Sa Majesté.

— Chante, mon alouette,
chante ! dit la Reine avec force. Toutes les oreilles qui sont céans,
combien qu’elles appartiennent à des têtes différentes, sont à moi. Et je leur
fais confiance à l’égal des miennes pour oublier ou retenir.
    — Votre Majesté, dis-je, ayant
quelque peine à retrouver mon vent et haleine, tant me poignait l’énormissime
étrangeté de ce que j’allais dire, mon maître a appris que son beau-frère et
ami le Roi de Navarre, à qui il ne fait la guerre qu’à cœur malcontent et de
force forcée, a quis de Votre Majesté des subsides, sommes et subventions qui
lui permettraient de recruter en Allemagne une armée de secours pour l’aider en
cette lutte fratricide. Votre Majesté, poursuivis-je d’une voix trébuchante, ce
qui suit est si surprenant que c’est à peine si j’ose le dire, de peur d’être
décru.
    — J’en ai pourtant quelque
petite idée, dit la Reine, la narine frémissante. Alouette, poursuis.
    — Mon maître, repris-je,
tâchant de raffermir ma voix, estime que si le refus qu’a opposé jusqu’à ce
jour Votre Majesté à ces demandes est dû à sa crainte de mécontenter le Roi de
France, celui-ci ne serait pas fort fâché que cette crainte soit surmontée par
le gouvernement de Votre Majesté.
    — My moor, as-tu ouï ? dit la Reine.
    — Oui, Votre Majesté, dit
Walsingham, qui paraissait retenir son souffle.
    — Poursuis !
poursuis ! dit la Reine.
    — Mon maître opine, en effet,
qu’une armée de secours contrebalancerait, en faveur du Roi de Navarre, les
forces du Duc de Guise, et que si…
    — Et que si, dit la Reine…
    — Que si la dite armée de
secours, ayant franchi la frontière, s’installait en Lorraine, je dis bien, en
Lorraine, et la ravageait, sans pousser plus outre en France, elle

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