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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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elle
me piqua un poutoune mouillé à la nuque et, se serrant contre mon dos, ajouta
sans nul souci de se contredire, que j’étais bien le seul – le
seul ! – à dix lieues à la ronde, à nourrir pour elle quelque
tendresse et considération.
    Angelina n’étant point au logis, je
fis allumer un grand feu dans sa chambre, et ayant déshabillé ma pauvre Zara
quasiment dans les dents des flammes, bleue de froid et grelottante qu’elle
était, je la frottai à l’arrache-peau sur tout le corps, tâche qui, outre
qu’elle me réchauffa prou, portait en elle-même sa propre récompense, tant
belle elle était de charnure comme de visage, que c’eût été grand’pitié qu’elle
se dérobât par un coup de cervelle inconsidéré à l’amour du genre humain.
    Les chambrières ayant rempli une
cuve d’eau fumante, je l’y plongeai et continuai de si belle mon étrillement,
que de rose elle devint écrevisse, sa face enfin se recolorant et son œil
devenant plus vif. Là-dessus entendant quelque noise à l’entrée, je laissai
Florine poursuivre mes soins, et courus à la porte qui, ouverte par mon Miroul,
livra passage à Angelina, béante de me voir d’eau tout ruisselant, laquelle
était suivie de Fogacer et de Silvio, dont la vue chez moi réciproqua la
béance, pour ce qu’ils venaient à l’instant d’advenir à cheval de Paris,
s’étant annoncés par une lettre que nous n’avions pas reçue. Ne voulant pas les
inonder de mes embrassements, je dis à Angelina que Zara était dans sa chambre
et que, le bain terminé, je la priais de la bien vouloir parer et pimplocher,
et ne lui poser de question que je ne fusse de retour, me devant moi aussi
baigner et changer de peur d’attraper la mort.
    Quand je revins en la chambre de mon
Angelina une grosse heure plus tard (m’étant ramentu tout soudain que je devais
une lettre à Pierre de l’Étoile et la voulant rédiger avant que le courrier de
Montfort départît), je vis que Madame mon épouse, tant bénigne et piteuse
qu’elle était toujours, avait accompli miracles pour orner ma Zara, l’ayant
fait enrober de sa plus belle vêture et parer de ses plus beaux joyaux, le
cheveu lavé, séché au feu et merveilleusement testonné par Florine, le pied
mignon chaussé d’escarpins, lesquels étaient mordorés comme le cotillon et la
basquine, la face pimpladée, le sourcil repeint, la lèvre vermillonne et ornant
sa gorge (que la collerette de dentelle du plus beau point d’Alençon laissait
voir) les trois diamants que le Roi m’avait baillés et que j’avais fait monter
en triangulaire pendentif.
    À mon entrée la nuit étant tombée jà,
les contrevents clos et les rideaux tirés, le feu, sur lequel Miroul avait
d’ordre d’Angelina mis fagots et bûches sans chicheté, flambait haut et clair,
la chambre était pulvérisée de parfum, fort chaude et fort douillette (d’autant
qu’on oyait en prêtant l’ouïe l’aigre bise de décembre souffler hors murs) et
brillait de toutes les chandelles que Florine avait allumées pour pimplocher
Zara, tant est que je fus transporté de ravissement de voir mon aimée et
Florine, si belles elles-mêmes, servir avec tant de zèle affectionné la beauté
de Zara dans le dessein de l’arracher à son désespoir (dont elles ne savaient
rien, sinon par moi à l’oreille, qu’elle avait tâché de se noyer) gentils
médecins qu’elles se voulaient toutes deux, soignant l’âme par le moyen du
corps, et redonnant à Zara quelque appétit à vivre par l’éclat de la parure.
    Elles achevaient quand j’advins, et
prenant chacune Zara par la main, et l’éclairant chacune d’un chandelier à cinq
branches, elles l’amenèrent, les yeux clos, non sans un certain air de pompe et
de mystère, devant un grand miroir vénitien que j’avais offert à mon Angelina
pour le jour de sa sainte patronymique, et là, mon Angelina lui recommandant de
relever les paupières (lesquelles étaient aussi mordorées), Zara poussa un cri
à s’envisager si belle, et soudain s’aquiéta, perdue dans la contemplation de
soi, laquelle, pour parler ici en médecin lui donna une telle soudaine et
inopinée joie que son sang en fut rectifié, ses esprits animaux revigorés et
ses humeurs remises en place. Et nous, immensément soulagés de la voir renaître
et remonter des abîmes de pâtiment où elle avait chu – jusqu’à renier Dieu
et la vie que de Lui elle tenait –, nous lui fîmes, l’entourant,

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