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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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différence ?
    — Peu de chose, Madame !
s’écria Zara, ses yeux lançant des flammes, peu de chose, ma place au
lit ! J’ai servi Dame Gertrude avec la plus ardente dévotion toutes ces
années passées et la première galapiane venue me roberait ma place au
lit ! Non, Madame, je ne le souffrirai pas ! Et je ne remettrai le
pied chez Dame Gertrude qu’elle n’ait renvoyé la souillarde de souillon au
fumier où elle a poussé.
    — Ho, Zara ! dit Angelina
fort déconfortée, ne parle pas ainsi ! La pauvrette est née de père et
mère humains, comme toi !
    — Non, Madame ! dit Zara
farouchement et comme si elle eût articulé parole d’Évangile : j’affirme
qu’elle a poussé sur le fumier comme un champignon !
    — Zara, dis-je, pensant le
moment advenu de la saillir quelque peu de cette enflammée déraison, il n’y a
pas apparence que ta maîtresse t’obéisse et renvoie cette garce, si elle est
bien accommodée à elle. Que feras-tu donc en ce prédicament ?
    — Retourner d’où vous m’avez tirée !
cria Zara en croisant les bras sur sa poitrine. Que peux-je d’autre ?
    — Ha, Zara ! cria Angelina
en se levant et courant à elle, tu ne peux recommencer cette infamie ! Ce
serait renier Dieu et perdre ton salut éternel ! Non, non, ma Zara !
dit-elle en la prenant dans ses bras et la couvrant de baisers, si tu ne veux
chez Gertrude retourner, nous te garderons céans au logis, avec nous.
    À quoi, tout en prodiguant ses
infinis mercis, notre Zara rebéqua quelque peu de prime, mais comme quelqu’une
qui voulait davantage être vaincue par nos instances que reprendre jour avec la
mort (l’eau, comme elle le devait confesser plus tard, lui étant devenue à très
grande horreur, à telle enseigne qu’elle se désommeillait la nuit à sentir
l’étang se refermer continuement sur elle, et les lianes s’attacher à ses
gambes comme autant de mains glacées).
    Zara prit donc place dans la
constellation de notre domestique, laquelle place fut honorable mais peu
définie, ne présentant que peu d’intérêt pour notre service, sauf ornemental,
pour ce que Zara ne consentait à gâter ses belles mains à aucun labour, fût-il
des plus légers. Tant est que, faute d’avoir au logis aucune autre usance, elle
devint pour mon Angelina une dame de compagnie, office où elle fut pour ma
pauvre épouse beaucoup plus une croix qu’un divertissement, mâchellant à
satiété ses mauvaises dents contre Gertrude en une interminable et répétitive
récrimination, débitée dans le ton pathétique, l’œil étincelant, la bouche
amère, les épaules secouées et dans un flot de paroles si continu et si
précipité qu’il vous faisait apenser tout à la fois à un torrent et à
l’inexorable roue du moulin qu’il entraîne. Ma pauvre Angelina saillait de ces
frénétiques monologues la tête bourdonnante et le cœur au bord des lèvres, et
me supplia à la parfin de m’entremettre auprès de Gertrude pour rhabiller cette
querelle, qui paraissait tout soudain de plus grande conséquence que la guerre
qui dévastait alors le royaume et divisait les Français.
    J’y tâchais, mais faillis tout à
trac à persuader la fière Normande de désoccuper Éloïse et de reprendre Zara,
encore qu’il me semblât qu’elle commençait à se lasser de la première et à
regretter la seconde, mais comme bien on sait, la hautesse et je ne sais quel
infime point d’honneur à ne céder point jouent un grand rôle en ces sortes
d’affaires.
     
     
    Le soir même de son advenue en ma
petite seigneurie, retiré avec Fogacer et Silvio en ma librairie (laquelle j’ai
fort accru en livres depuis que le Roi a commencé à me tant garnir en
clicailles), j’assaillis de questions Fogacer sur les nouvelles de Paris.
Debout sur un pied comme un héron, il déployait sa mince et haute silhouette
devant le feu, vêtu de noir comme à son accoutumée, gracieusement déhanché et
la main senestre posée sur la taille, Silvio assis sur une escabelle comme s’il
eût chevauché une monture, et fort changé à ce que je vis, la membrature plus
large, et la joue (que je lui avais vue tant polie qu’à drolette) ombreuse, non
de duvet, mais de poil rabattu, et cependant perçant encore hors peau.
    — Ha ! Mi fili ! dit Fogacer, le mauvais qu’il y a à machiavéler, c’est que lorsque le double
jeu faillit, on perd double : et l’enjeu, et la considération des joueurs,
la tromperie étant

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