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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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universellement déprisée. Ainsi en fut-il de notre pauvre
Henri. La grande armée étrangère des Suisses et des reîtres, bousculée par les
Guise à Vimory, l’est de nouveau par lui à Auneau. Petits engagements que la
Ligue transforme à sons de trompe en victoires sublimes, accoutumée qu’elle est
à faire de tout petit chat guisard un énorme tigre. En réalité, elle ne baille
ce laurier au Guise que pour flétrir celui du Roi, lequel dispose d’une grosse
armée par quoi il pourrait exterminer les restes de l’armée étrangère s’il le
voulait. Mais le Roi ne le veut point. Pourquoi ? Mi fili, poursuivit Fogacer en m’envisageant de son œil noisette sous son sourcil arqué,
vous avez bien quis de moi pourquoi ?
    — Je ne sais, dis-je en riant,
si je l’ai quis, mais je le quiers maintenant.
    — Je vous ai donc bien ouï. Primo  : le Roi, qui est humain, abhorre le sang et les massacres. Secundo, il ne veut point se fâcher avec les reîtres et les Suisses, pour
ce qu’il est apensé qu’il se pourrait qu’il ait besoin d’eux derechef contre le
Guise. Il s’abouche donc avec eux, et les paye pour qu’ils vaquent de soi son
royaume.
    — Il les paye !
    — Il les paye en drap de laine
et de soie, en bons écus sonnants et trébuchants, et en vivres pour le retour. Exeunt reîtres et Suisses…
    — Voilà donc qui va bien !
dis-je.
    — Voilà donc qui va mal !
dit Fogacer en étirant ses bras arachnéens qui parurent tout soudain emplir la
librairie. Pour ce qu’on commence à dire en Paris que le reître a été levé,
soudoyé et renvoyé par le Roi, vu le bon traitement qu’il lui fait ! Clameurs ! Huchements ! Prêcheries ! Serrements de poing !
Haine et déprisement quasi universel d’Henri dans le sot peuple ! Et la
Sorbonne – vous avez bien ouï ! – la Sorbonne, c’est-à-dire
quarante pédants crottés réunis après boire, arguent et arrêtent qu’il est
loisible d’ôter le gouvernement aux princes qu’on ne trouve pas tels qu’on les
voudrait !
    — C’est rébellion !
dis-je.
    — Ouverte et frénétique !
Ha, mi fili ! Paris bouille ! Le trône vacille !
    Ayant dit, Fogacer s’assit sur le
fauteuil que je lui avais à l’entrée désigné et montrant du doigt à Silvio un
coussin qui s’encontrait là, il dit :
    — Mon Silvio, viens te mettre
céans.
    À quoi, je fus fort surpris de voir
Silvio – lui que j’avais vu tant de fois assis au pied de son
maître – se remochiner tout de gob et dire d’une voix roide et
polie :
    — Révérend docteur médecin,
avec votre permission, je resterai où je suis.
    Réplique qui prit Fogacer à ce point
sans vert qu’il pâlit et s’accoisa, ses paupières cillant sur ses yeux noisette
et sa lèvre du dessous tremblante. Spectacle qui me laissa béant et quasi déçu,
tant j’avais la déraison de croire que mon ex-maître en l’École de médecine
s’élevait au-dessus des émotions humaines, et par sa science, et par le froid
scalpel de son esprit. Hélas, lecteur, je ne le sais maintenant que trop, ayant
vécu davantage : même ceux que nous vénérons comme les demi-dieux ou héros
de nos enfances descendent parfois de leur piédestal et pleurent, tant les
poignent l’ingratitude ou la trahison d’un être ami, lequel leur porte des
coups d’autant plus terribles qu’il est plus proche de leur cœur.
    Voyant le silence perdurer, et l’œil
noisette de Fogacer fiché avec stupeur sur celui de Silvio, cillant toujours
comme si le béjaune l’avait souffleté, et qu’il ne sût que faire ni que dire,
tant il pâtissait, non point tant dans son point d’honneur qu’au plus vif de
ses affections, je pris le parti de rompre cette glace cruelle qui se refermait
de toutes parts sur son âme et voulant du moins lui distraire l’esprit des
affres qui le tenaillaient, je dis :
    — Et qu’en est-il de cette
disparition de Navarre après Coutras quand il eut si étrangement débandé sa
victorieuse armée ?
    — Ha ! dit Fogacer, sa
voix de prime détimbrée se raffermissant peu à peu, il n’y eut jamais là de
mystère pour Henri. Preuve que Navarre et lui n’ont cessé d’être connivents.
Comme vous savez, Navarre a toujours eu la sagesse de faire le fol à bon
escient. Il a dispersé son armée pour non pas avoir à courir sus à l’armée du
Roi, lequel est tout ensemble son déclaré ennemi et son allié secret. Et pour
couvrir son inactivité, il a couru

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