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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Mon Pierre, il est temps de
vous mettre sur vos petites pattes et de voleter hors la couche ; my Lord
Stafford vous veut voir dans une heure et vous dire les nouvelles.
    — Bonnes ?
mauvaises ? criai-je, le cœur me cognant les côtes.
    — Mauvaises et bonnes. Pour
tout dire en un mot, Henri est sauf et libre, mais hors Paris.
    — La Dieu merci !
    — Espérez un petit pour le
mercier. Car si l’Invincible Armada envoie notre flotte par le fond,
Elizabeth et Henri couleront de compagnie. Mais assez là-dessus. À chaque jour
suffit sa peine. Mon Pierre, vous ne pouvez voir my Lord Stafford, fait comme
vous voilà. Il se pique tant d’étiquette qu’il refuse même de s’envisager au
miroir sans fraise ni pourpoint. En conséquence, j’ai requis un barbier pour
vous rabattre votre barbe marchande et rhabiller la platitude de votre
bourgeois cheveu. En outre, d’un de nos jeunes gentilshommes j’ai emprunté
vêture plus idoine à votre rang que cette sombre attifure. Beautifiez-vous,
beau Sire ! Vramy, comme disait votre petite Alizon, à qui j’ai dépêché
aux matines un vas-y-dire lui mander de bec à oreille que vous étiez sauf. Ne
suis-je pas un bon ange ?
    — Bel et bon.
    — À ce bel, je reconnais votre
langue dorée. Vramy, comme disait cette impertinente pécore, laquelle, les deux
fois qu’elle me vit, m’arquebusait férocement des yeux, j’étais peu ragoûtée,
hier, de baiser ces lèvres que voilà au mitan de ce poil hirsute. Mais assez
là-dessus. Mon Pierre, je vous reviens quérir dans une heure.
    Et toujours riant de ses dents
carnassières, elle s’en fut, balayant les alentours de son ample cotillon, plus
bondissante, vive et véloce que panthère en péril. Mais, le péril, à ce que je
crois, donnait à son âme forte un aliment sans lequel elle se fût trouvée
affamée et périe, tant est qu’il n’y avait pas merveille que maison et mari en
Shropshire la vissent si peu souvent, n’étant pas faite pour de quiètes et
domestiques félicités.
    Lord Edward, Comte de Stafford, en
la présence de qui je fus introduit en mon plumage retrouvé, quoique d’emprunt,
je n’avais vu et croisé qu’une fois en ma vie, à la porte des appartements du
Roi, tandis qu’il répondait d’un signe de tête fort bref aux saluts dont il
était l’objet, portant à tout une hautesse naturelle, laquelle allait de pair
avec sa taille élevée et sa majestueuse membrature, étant carré des épaules,
droit comme un « i », sans l’ombre d’une bedondaine (encore qu’il eût
passé quarante ans) la face longue, la barbe quasi à ras de peau, la moustache
courte, les yeux gris et froidureux, le nez long, et de sa vêture superbe,
encore qu’à la mode anglaise, le col du pourpoint enserrant haut le cou, et
par-dessus, la fraise, fort petite, encadrant la mâchoire et la nuque, sans
joyau aucun, sauf ceux qui s’encontraient sur sa plaque de la jarretière,
laquelle était faite d’une croix vermeille entourée d’un soleil dont chaque
flamme d’or était terminée par une perle.
    Quant au pourpoint, il était à
l’anglaise aussi, fort collé au corps (au rebours du nôtre, en ce temps-là,
dont l’épaulure s’évasait) et au surplus, très étroitement boutonné, ce qui
n’était pas sans souligner de la façon la plus élégante sa taille sèche et son
athlétique carrure. De son maintien, roide, sourcillant, hautain, escarpé comme
falaise à Douvres, mais non sans quelque lueur dans l’œil, quand et quand, soit
de gausserie soit de bénévolence, du moins touchant à ma personne, dont il
savait la grande amour pour sa nation et sa souveraine, car je ne tardai pas à
le voir avec qui je vais dire, morguant et dédaigneux. En bref, l’apparence et
la mine d’un fort haut seigneur qui n’avait garde d’oublier jamais qu’il était
en ce Paris, si haineux et de sa religion, et de sa Reine, la visible
incarnation d’un grand royaume de la chrétienté, et celui-là d’autant plus
fier, bravant et intrépide qu’il était davantage menacé.
    — Monsieur le chevalier, me
dit-il, dès que je lui eus rendu mes devoirs, et offert mes grâces et mercis
pour son bienveillant secours, le temps me presse : et je ne peux que je
ne vous dise en fort bref les nouvelles touchant votre maître. Les Parisiens,
enivrés d’une victoire sur lui qu’ils ne doivent qu’à l’excessive bénignité de
son cœur, ont, la nuit venue, pressé le Louvre même d’une

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