Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
ne
pouvaient être tenus ni pour royalistes, ni pour « politiques », ni
pour huguenots, personne ne savait que faire d’eux véritablement, n’ayant pas
cœur à les attaquer, et redoutant de les contraindre, à la parfin, à faire feu
pour sauver leur peau.
    C’est en cette situation embarrassée
et ambigueuse que descendit littéralement du ciel sur nous comme un Deus ex
Machina [71] , le Duc de Guise.
    Magnifiquement vêtu d’un pourpoint
blanc aussi immaculé que son âme, et pur autant que ses intentions, le chef
orné d’un grand chapeau blanc orné de plumes blanches, sans autre arme en ses
mains qu’une pacifique badine à pommeau d’argent, deux jolis pages, blonds
comme des chérubins, portant devant lui, l’un son épée, l’autre sa rondache
(afin qu’on sût urbi et orbi qu’il y avait, à l’occasion, du saint
Georges en cet archange de la paix) lequel, s’adressant aux manants, habitants
et bourgeois de Paris, les loua hautement d’avoir par leur vaillance détourné
l’orage de leur bonne ville et protégé ses immémorials privilèges ; que
pour lui, ajouta-t-il chattemitement, il était resté enfermé en son hôtel tout
le jour, n’ayant mis les mains à rien, et ne connaissant rien du tumulte, hors
les rapports qu’on lui en faisait, qu’il n’était sorti présentement que par
l’expresse sollicitation du Roi qui l’avait prié et supplié de ramener ses
troupes saines et sauves au Louvre, ce qu’avec la permission de la commune, il
allait faire au nom de la miséricorde divine dans laquelle il priait le
Seigneur Dieu et la Sainte Église de le tenir à jamais.
    Ce ne fut alors dans les rues et
quartiers où le Duc de Guise passa pour délivrer les Suisses, qu’acclamations,
délires, alléluias, agenouillements, baisers de bottes, frottements de
chapelets sur la blanche vêture (laquelle fut moins blanche à la fin de ce
jour), tant ce peuple de Paris, badaud et crédule comme aucun autre en le
royaume, était assoté de sa grande amour pour Guise, et tant il était charmé
par le seul son de sa voix, au point qu’il gloutissait de sa bouche toutes les
fallaces du monde, y compris qu’il n’avait point mis les mains à l’émeute,
alors que ses lieutenants, au vu et au su de tous, l’avaient préparée depuis le
9. La vacarme était assourdissante, des milliers de voix, du pavé au toit,
criant : «  Vive Guise ! » à vous tympaniser.
D’aucuns même : «  Ne lanternons pas davantage ! Il faut mener
Monsieur à Reims ! » Ce qui voulait dire qu’on le voulait
couronner Roi de France tout de gob, la vox populi [72] le voulant. À quoi
le Guise, faisant le chattemite, enfonçait son grand chapeau sur les yeux (on
ne sait s’il riait dessous) et étendant les deux mains devant lui, disait d’un
air modeste :
    — Mes amis, c’est assez !
Messieurs, c’est trop ! Ne criez pas « Vive Guise » ! Criez
« Vive le Roi » !
    À quoi, comme bien on pense, les
«  Vive Guise ! » redoublèrent, la noise n’étant même pas
couverte par les cloches des églises de la capitale qui toutes à la fois se
mirent à sonner joyeusement pour apporter au Très Haut dans le ciel les
nouvelles de l’éclatante victoire de la Sainte Ligue sur le Roi.
    — Messieurs ! répétait le
Duc de Guise qui, tandis qu’il avançait par les rues en son pourpoint immaculé,
ne se pouvait rassasier de l’inouï plaisir de n’être pas obéi : « Ne
criez pas « Vive Guise ! ». Criez : « Vive le
Roi ! ».
    Ha pauvre Roi ! m’apensai-je.
Sombre jour ! Perte immense ! Et d’abord de la paix ! Comment ne
le voir point ? Qui est maître de la capitale possède bien davantage que
la moitié du royaume ! Guise, Roi de Paris, espagnolise le pays, réduit à
quia le Roi légitime, lui impose une guerre d’extermination contre les
huguenots, et à sa queue, l’Inquisition !
    J’en étais là de ces âpres
réflexions, et portant, comme on imagine, au milieu de l’allégresse générale, une
face assez triste, quand Miroul, me tirant par le coude, me dit à voix basse en
oc :
    — Moussu, prenez de grâce un
air plus riant. Vous êtes envisagé fort curieusement par une dame de la suite
du Guise, dont les yeux à travers son masque ne vous quittent pas, et dont la
tournure me ramentoit Marianne.
    Ayant dit, Miroul se mit à agiter
les bras et le torse en une forcenée gesticulation et à hucher plus haut que
ses avoisinants : « Vive Guise !

Weitere Kostenlose Bücher