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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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reste, fort beau, combien
qu’à sa manière fort peu évangélique, étant en son privé grand putassier et
n’appétant en public qu’à meurtre et massacre. Celui-là, dis-je, ne balançant
pas longtemps sur le parti à prendre, mais pâle de rage et grinçant des dents,
se leva, majestueux en sa pourpre et sans saluer le Roi, saillit hors, suivi
avec un temps de retard par le Duc, le Comte de Brissac et La Chapelle-Marteau,
le Roi continuant de lire son discours d’une voix forte et ferme, et la face
imperscrutable, comme s’il ne lui était de rien que son grand maître et les
présidents des trois Ordres eussent quitté la salle.
    Quant à moi, je me sentis extraordinairement
heureux et conforté de cet éclat par où le Roi avait secoué la meute attachée à
ses flancs et fort curieux aussi de ses politiques effets, et me désolant que
la nécessité de me dissimuler au sein des quarante-cinq (bonne cache
pour ce qu’ils étaient tant haïs et déprisés des ligueux que ceux-ci
affectaient de ne pas les voir) m’empêchât de courir aux nouvelles.
     
     
    Assoiffé d’ycelles, à peine de
retour à l ’Auberge des deux pigeons, je dépêchai une chambrière au logis
de Quéribus pour le prier de me venir visiter. Mais elle revint bredouille,
l’oiseau n’étant pas en cage, voletant sans doute de belle en belle, à ses
«  veni, vidi, vici  ». Et c’est fort fortuitement que je fus
renseigné le lendemain dans l’après-midi, me trouvant que d’avoir tiré l’épée
avec La Bastide en ma chambre, lequel, reprenant son vent et haleine, me
dit :
    — Cap de Diou, baron ! Nous perdons nos bonnes lames à nous faire des semblants
de boutonnières, quand c’est dans le cœur de ce méchant drôle de Guise que nous
les devrions fourrer !
    — Passinsa amic, dis-je, que
mienja lo gal del rey, cent ans après raca las plumas [79] .
    À quoi La Bastide s’esbouffa et
dit :
    — Nous avons en Gascogne le
même proverbe, mais parlé un petit autrement ; ce qui me fait apenser
qu’avant notre assaut, j’ai vu et ouï en la salle commune de l’auberge un
seigneur déjà âgé, du cheveu comme sur ma main (métaphore ici malheureuse, la
sienne étant si velue) lequel a demandé du vin à son valet en une parladure
tant proche de la vôtre que je crois l’homme périgordin.
    — Quelle mine a-t-il ?
    — De robe plutôt que d’épée,
combien qu’il en porte une. Bon homme assez et sans hautesse, encore que je le
croie haut assez en le royaume pour ce qu’il a autour du col l’ordre de
Saint-Michel.
    — Ventre Saint-Antoine !
criai-je, il n’en est point tant en Périgord qui l’ont que je ne me doute qui
ce doit être !
    Et disant quoi, saillant de la
chambre, je descendis à pas de velours l’escalier qui menait à la salle commune
(en laquelle je ne paraissais mie) et me mettant à croupetons à mi-chemin du
bas, je jetai un œil à travers la rambarde de bois et, vrai comme
Évangile ! qui vis-je, gaillardement attablé et goulûment gloutissant ses
viandes, le front haut sous son chauve crâne, les pommettes hautes, le nez long
et aquilin, l’œil fendu et judaïque, qui, sanguienne ! qui ? sinon le
seigneur de Montaigne !
    — Ho ! La Bastide !
criai-je, à lui revenant, quiers-moi, je te prie, Margot, que je la dépêche
porter un billet de ma main à ce gentilhomme, que bien j’aime et connais, le
voulant entretenir céans, et non en la salle commune pour la raison que tu
sais.
    — Est-il un ami du Roi ?
dit La Bastide en tordant sa moustache.
    — Oui-dà !
    — Alors, mordi ! point
n’est besoin de Margot ! J’irai de ma personne lui porter vos écritures.
    M. de Montaigne, qui me parut porter
assez gaillardement sa cinquantaine, eut quelque peine à me reconnaître, tant
par ce que j’avais le poil et le cheveu noir, que parce que le temps inclément
avait passé depuis notre dernière rencontre en 1572, seize ans plus tôt, béjaune
que j’étais alors, à peine émoulu de mes études. À dire le vrai, il connaissait
mon père mieux que moi, l’ayant souvent entretenu à la Cour de Navarre, le
bruit courant que Montaigne avait servi, et se peut servait encore, de
truchement entre le Roi et le Béarnais, étant de ce dernier ami et au Roi de
France fidèle, en bref, un de ces « politiques  » que la Ligue
tenait en grande détestation pour ce qu’ils assaisonnaient leur foi catholique
de quelques grains de tolérance.
    — Ha Monsieur !

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