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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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des affaires politiques, alors même que leur
sort et particulière fortune, étant liés à ceux du Roi, dépendaient de ce qu’il
allait dire et des effets qui suivraient son discours. Je vous supplie bien à
rebours, apportant à mon pauvre maître bien-aimé le secours de votre féminine
compassion, d’imaginer l’immense pâtiment de cet homme tant humain qui, ayant
appétit avant toute chose, et au péril même de sa vie, à préserver son peuple
d’une sanglante guerre civile, et partie de ses sujets, de l’extermination,
voit se dresser devant lui, conjuguées, les forces d’un clergé nombreux et
fanatique, de princes puissants et ambitieux, d’une grande partie de la
noblesse et d’un peuple assoté. En cette salle du château de Blois dont les
deux nefs jumelles apparaissaient déjà inversées et sombrées par le naufrage de
l’État, leurs quilles regardant le ciel impiteux, il n’y avait pas cent députés
sur cinq cents qui tinssent pour la politique sage et pacifique du Roi. Tiers
état, clergé, noblesse – au nom du Dieu de pardon et d’amour – ne
haletaient que sang, ne ronflaient que meurtre, ne rêvaient que massacre,
déprisant le Roi et sa longue patience, aspirant à se mettre sous le joug du
Guise et de l’Espagnol. Or, belle lectrice, ce Roi si seul, trahi par tant des
siens et d’abord par sa mère, plus qu’aux trois quarts défait, manifestement
aux abois, sans pécune, suivi de troupes impayées, ne possédant plus en son
propre royaume qu’une poignée de villes fidèles, le voilà qui fait face tout
soudain à ces meutes encharnées et les brave. À bien assailli, bien
défendu ! À beau jeu, beau retour ! Belle lectrice, à vous aussi, je
quémande du bon de votre tendre cœur la même illimitée admiration que ressentit
le mien pour l’inouïe vaillance et fortitude de mon pauvre maître aux prises
avec ses sanguinaires sujets.
    Que dit-il, ce Roi sans capitale ?
Rien qu’il n’eût pu dire au sommet de sa puissance, sans rien rabattre des
principes et des prérogatives de la fonction royale. Oyez-le, défiant la
victoire sur lui de la prétendue Sainte Ligue. «  Toutes autres ligues
que sous mon autorité ne se doivent souffrir. Ni Dieu ni le devoir ne le
permettent, mais y sont formellement contraires, car toutes ligues,
associations, pratiques, menées, intelligences, levées d’hommes et d’argent,
réception d’ycelui, tant dedans que dehors le royaume (allusion, lectrice, à
l’or espagnol) sont actes de Roi et en toute monarchie bien ordonnée, crimes de
lèse-majesté sans la permission du souverain. »
    Ou encore ceci qui vise plus
précisément le Guise et les princes lorrains : «  Je suis votre Roi
donné par Dieu et suis seul qui le puis véritablement et légitimement
dire. » Ajoutant ceci qui, sous le masque d’un pardon accordé aux
errements révolus, condamne, en fait, les fautes du futur : «  D’aucuns
grands de mon royaume ont fait des ligues et associations, mais témoignant ma
bonté accoutumée je mets sous le pied, pour ce regard, tout le passé. Mais
comme je suis obligé (et vous tous) de préserver la dignité royale, je déclare
dès à présent et pour l’avenir, atteints et convaincus du crime de
lèse-majesté, ceux de mes sujets qui y tremperont sans mon aveu. »
    Il y eut à ces mots, en la salle des
États, une terrible commotion, laquelle parcourut les cinq cents députés des
trois Ordres et les agita, comme ondule et trémule un champ de blé sous l’effet
d’un ouragan. Accuser Guise et les ligueux de crime de lèse-majesté, s’ils ne
s’amendaient point, qu’était-ce d’autre sinon les condamner à mi-mot à mort,
n’y ayant pas la moindre apparence qu’ils consentissent à se désister de leurs
brouilleries, tenant le Roi quasi à leur merci. Et que le Roi, en ses abois,
eût l’incrédible audace, au nom de sa légitimité, de le menacer à la face des
États Généraux du billot, voilà qui laissa le Guise pantois. Je le vis vaciller
sur sa chaise, perdre couleur et contenance, hésiter entre peur et colère, et à
la parfin, consulter de l’œil son frère cadet, le cardinal, assis au premier
rang du clergé. Celui-là qui, maugré sa robe (qu’il troquait si volontiers
contre corselet ou cuirasse) ne se piquait pas de mesure ni de miséricorde
comme son aîné, auquel du reste il ressemblait fort peu, étant brun de poil, et
l’œil noir, furieux, aigu, lançant des éclairs, de

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