Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
réfléchi un
petit, je décidai de brûler quelques vaisseaux et je dis :
    — Giacomi, peut-être
pourriez-vous dire à la cavalletta sans me nommer, que je suis un
officier du Roi et qu’il serait bon, se peut, que Venetianelli prenne ses
sûretés et assurances aussi de ce côté.
    À quoi Giacomi me lança un regard
vif et dit d’un air pensif :
    — Il faudra y aller comme un
chat, la moustache très suspicionneuse. Ha ! Mon frère ! L’épée n’est
rien à comparaison de ces toiles-là !…
     
     
    Le lendemain de cette visite de mon
Giacomi, qui était le 9 octobre, fut le jour de l’ouverture des États
Généraux à laquelle j’assistais, perdu dans le mitan des quarante-cinq (dont personne ne s’avisa qu’ils étaient, ce jour-là quarante-six) lesquels,
disposés au pied de l’estrade où siégeaient Henri et les deux reines, les
entouraient en croissant, les gentilshommes de la maison du Roi étant debout
quelque peu en retrait des gardes. Cette estrade de faible hauteur et que
surmontait le dais royal avait été construite devant l’immense cheminée qui
occupait le milieu de la plus grande longueur de la salle, et où de grands
troncs de sapin (cet octobre étant fort froidureux) brûlaient en une flambée,
laquelle, à travers la tenture violette fleurdelisée d’or du dais, chauffait et
éclairait le dos du Roi, tant est que sa silhouette sombre, étant vêtue de
velours noir, paraissait auréolée de lumière : détail qui ne laissa pas de
me frapper, surtout quand le Roi, au lieu de rester assis, se leva pour
prononcer son discours, lequel crépita haut et clair comme les flammes qui,
par-derrière, illuminaient sa personne, ledit discours, tant par son ton et son
contenu, frappant de stupeur les trois Ordres, étant tout à plein au rebours de
la soumission que ces sujets belliqueux attendaient de leur souverain.
    La salle, qui était immense, se
trouvait être, pour une moitié l’œuvre d’Henri lui-même, car elle ne
comprenait, du temps des comtes de Blois, qu’un splendide plafond en forme de
nef de vaisseau inversée, que le Roi, douze ans plus tôt, en son sûr instinct
de la beauté des choses, avait doublé d’une deuxième nef, identique et
parallèle à la première, et à elle reliée et soutenue par une rangée de
colonnes qui couraient en arcades par le milieu de la pièce. Ainsi les deux
nefs avaient l’air d’être amarrées côte à côte et bord à bord, leurs quilles
reposant sur le ciel, le Roi ayant réussi à augmenter de moitié le volume et la
surface de la pièce sans nuire en rien à son harmonie, la seule incommodité
qu’on y pouvait trouver étant que les fenêtres ouvrant sur le plus petit côté
du rectangle, quoique en elles-mêmes grandes assez, ne suffisaient pas à
l’éclairer, et qu’il y fallait un renfort de chandelles, allumées en buisson
dans les lustres fixés au milieu des arcades qui reliaient les colonnes,
lesquelles chandelles, quoique innumérables, luisaient d’une lumière plus suave
que forte, comparées aux hautes et vigoureuses flammes qui à travers la tenture
violette du dais illuminaient le Roi.
    Le Duc de Guise, en sa qualité non
point de lieutenant-général, mais de grand-maître de la maison du Roi, était
assis au pied de l’estrade sur un siège sans dossier, la tête et le torse d’un
côtel à demi tournés vers les trois Ordres, lesquels faisaient face au Roi, et
de l’autre côtel, à demi tournés par apparent respect vers le Roi, position
ambigueuse et symbolique, pour ce qu’il tirait des uns (et du peuple qu’ils
représentaient) une partie de sa force et de l’autre, une partie de sa
faiblesse, pouvant se rebeller en sous-main contre son souverain, mais non
point révoquer en doute sa légitimité. Il était vêtu, et assurément point par
hasard (ayant appétit à apparaître comme l’archange désigné de Dieu) du même
pourpoint de satin blanc qu’il portait à la journée des barricades, lequel
pourpoint étant trop léger pour la saison, notre bel archange paraissait pâtir
quelque peu du froid qui hors l’estrade régnait dans l’immense salle, encore
qu’il eût jeté un grand manteau, lui-même fort léger, sur ses athlétiques
épaules. Son siège, soutenu par des pieds sculptés, était garni d’un coussin de
velours violet, mais le fait qu’il ne comportait point de dossier me sembla
incommoder quelque peu le Duc dans les nobles attitudes qu’il affectionnait.
    La

Weitere Kostenlose Bücher