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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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tiédeur, ses
pierres polies et rondies conservant la chaleur du soleil, comme je m’en
aperçus en y posant la main, la matière dont elles étaient façonnées étant,
bien que rêche, caressante à mes doigts et leur contournement, infiniment
plaisant à mes sens, sans que je pusse dire pourquoi. Tant est que je
m’ococoulais en cette minuscule piécette comme ver à soie en son cocon, y étant
bien remparé contre la bise, la froidure et la nuit, et le cœur au surplus
gonflé de l’attente de ma bien-aimée et mes membres tout tremblants d’une folle
liesse dans le pensement de serrer à la parfin contre moi les suavités de son
corps.
    J’ouïs les talons d’Angelina sur les
dalles du chemin de ronde, et tout soudain, la nuit étant claire assez, je la
vis qui, apparaissant à l’entrée ogivale de la poivrière, se tournait de profil
pour permettre à son vertugadin de passer l’estéquite ouverture, et comme je
tendais mes mains vers elle, à mon grand étonnement, elle ne les prit point,
mais me jetant ses bras autour du col, m’accola étroitement, et de soi
cherchant mes lèvres sans mot piper, me baisotta si furieusement que j’en fus
fort béant, et encore que je répondisse à son étreinte et ses poutounes, je ne
laissais pas, pourtant, en ce qui me pouvait rester de réflexion (en dépit de
ce branle) de me sentir surpris que mon Angelina, assurément en sa naïveté, eût
dépouillé à ce point sa native pudeur, que de se jeter tout de gob avec moi en
des tumultes où je ne l’eusse voulu conduire que la bague au doigt. Et ce
pensement en moi l’emportant à la fin sur l’agitation de mes sens, je détachai
ses mains de mon col et les tenant toutes deux au bout de mes bras, l’éloignai
de moi, et scrutant sa face pour autant que je la pouvais voir dans la
demi-obscurité, je lui dis, reprenant souffle :
    — Angelina, qu’est ceci ?
    Je ne sais si elle m’eût répondu, ne
pouvant voir ses yeux, ses paupières étant baissées, mais de toute guise elle
n’eut pas le temps de répliquer. Une voix grave et forte disant derrière
elle :
    — Vous êtes abusé, Monsieur de
Siorac. Ce n’est pas Angelina qui s’encontre céans. C’est Larissa.
    Je levai les yeux et devinai plutôt
que je ne reconnus (car dans la pénombre je ne voyais distinctement que sa
fraise) la silhouette noire de Samarcas, laquelle était si large que ses
épaules me parurent toucher les deux bords de l’ouverture dans laquelle elle
s’encadrait.
    — Quoi ! criai-je, hors de
moi et laissant aller ses mains, Larissa ! Est-ce vous, Larissa ?
Quelle fallace et indigne feintise ! Avez-vous toute vergogne
perdue ?
    — Monsieur de Siorac, dit
Samarcas dont la voix profonde résonnait étrangement sous la voûte de la
poivrière, plaise à vous de vous ramentevoir votre chrétienne charité ;
Larissa, en dépit de ses ans, n’est qu’une enfant. En son pensement et son
déportement, elle a tout juste l’âge qui fut le sien quand on la serra au
couvent (à cette remembrance, je crus voir la pauvrette frémir de la tête aux
pieds) arrachée à Barbentane, à ses parents si chers et si amiables, et
par-dessus tout, à sa jumelle, sans laquelle son être fut comme amputé de sa
meilleure moitié.
    — Mais Monsieur, dis-je plus
touché par son discours que je n’eusse voulu, Larissa me devait-elle
tromper ? Et usurper à mon endroit le rollet de sa sœur ?
    — Mais, c’est qu’elle ne sait
pas bien si elle n’est point sa sœur, tant elle le voudrait être ! dit
Samarcas d’une voix pressante. Raison pour quoi elle cache désespérément, sous
un point de pimplochement, cette verrue qui la distingue d’Angelina. Monsieur,
dit-il sur un ton d’autorité si tranquille que je ne songeais même point à la
lui disputer, votre main !
    Et la saisissant de sa senestre, il
emprisonna dans l’anse de son coude dextre la tête de Larissa, et guidant mon
index entre son menton et sa lèvre, il me fit toucher du doigt la verrue.
    — En sentez-vous bien le
relief ? dit-il. À ce relief qui ne s’encontre pas sous le pimplochement
qu’Angelina, en sa bénignité, place en sa face en même lieu, il vous sera
toujours loisible, pour peu que vous le vouliez (ceci fut dit sur un ton assez
menaçant) de reconnaître Larissa.
    — Mais je ne suis pas
Larissa ! cria tout soudain Larissa en levant la tête et en tapant du
pied, je suis Angelina ! Larissa n’est que malice et méchantise, et

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