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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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à la
condition qu’il y avait mise et à laquelle, tout huguenot que je fusse, je ne
pouvais que je n’obéisse. Et en la même guise, ce n’était point le Comte, mais
le Père Samarcas qui avait résolu que Larissa ne se marierait mie, le démon qui
sommeillait «  en les faubourgs et les banlieues de son âme  »
pouvant, en cette occasion, réenvahir la ville.
    Angelina s’accoisant dans l’ombre et
le silence de la poivrière, je m’accoisai aussi et la prenant avec beaucoup de
douceur dans mes bras, je la baisottai quelque peu, mais fort décentement et
sans la serrer à moi et pour dire le vrai, fort chaffourré de chagrin de la
chatonie de Larissa, sentant bien qu’elle m’avait gâté le charme de l’instant
et Samarcas plus encore, l’un et l’autre m’ayant fait à grand dol appréhender à
quel point j’étais étranger à la famille où j’allais entrer et pis même, en
quelque manière, à la mignote que j’aimais.
    Je m’en ouvris le lendemain à
Giacomi dans la salle d’armes, alors que nous reprenions souffle, assis après
un assaut sur un petit banc disposé dans l’encoignure d’une fenêtre, nos gambes
étalées devant nous, et les siennes dépassant prou les miennes.
    — Pour qu’Angelina voie
Samarcas du même œil que vous, dit Giacomi avec son délicieux zézaiement, il
faudra de la patience. Mais il en faut toujours dans les humaines affections.
Dois-je vous plaindre, Monsieur mon frère, ajouta-t-il avec un sourire, vous
qu’on aime et qui aimez ?
    — Giacomi, dis-je en gaussant,
aimez-vous qui ne vous aime ?
    À cela toutefois il ne répondit ni
mot ni miette, mais l’œil baissé, la mine grave, et la pointe de sa longue
épée, au bout de son long bras, traçant sur le plancher des signes incertains.
    — Si j’étais vous, reprit-il,
je ne garderais pas mauvaise dent à Larissa. La pauvrette appelle une
compassion infinie. Et n’est-ce pas pitié que le démon ayant été dépossédé de
son âme, elle soit tombée en la possession de cet autre qu’on tient céans pour
le plus grand des saints !
    — Monsieur, dit une voix grave
à l’autre bout de la salle, me ferez-vous l’honneur d’un amical assaut ?
    Absorbé que j’étais, et par ce que
disait Giacomi et par les arabesques qu’il dessinait sur le plancher, et que je
tâchais d’entendre, je n’avais pas ouï l’huis s’ouvrir, et levant la tête, je
vis Samarcas debout sur le seuil, une épée nue à la main, et sur les lèvres un
souris que démentait le flamboiement de ses yeux.
     

CHAPITRE IV
    Le mariage du baron de Quéribus avec
ma petite sœur Catherine et celui d’Angelina de Montcalm et de moi-même furent
célébrés le 16 novembre 1574 en la chapelle du château de Barbentane,
après que j’eus solennellement juré sur mon salut «  d’ouïr la messe
partout où je m’encontrerai en logis catholique, et de laisser ma dame et
épouse élever les fruits de notre union dans la foi de ses ancêtres ».
    À cette condition, mon père, si bien
on s’en ramentoit, avait lui-même souscrit, quand il avait marié Isabelle de
Caumont, la différence étant qu’à cette date il n’avait pas encore avoué la
confession huguenote, ce qui fait, comme je l’ai dit déjà, que je fus élevé
dans le papisme jusqu’à mes dix ans révolus. Et souscrivant ce jour à la
condition imposée par le Père Anselme, je me retrouvai à vingt-trois ans
mi-chair mi-poisson, ou comme disait si bien le baron de Mespech, le cul entre
deux escabelles, ce qui m’était moins malcommode que le lecteur pourrait
s’apenser, ayant quant à moi pris en grande détestation le zèle religieux pour
avoir vu de mes yeux le massacre des catholiques lors de la Michelade de Nismes
et celui des nôtres en Paris le 24 août. Ce n’est pas à dire que je fusse
devenu, comme Fogacer, tout à plein sceptique, mais le fond de l’adoration de
Dieu m’apparaissait de plus grande conséquence que sa forme, si entachée que
soit celle-ci, en l’Église romaine, d’erreurs, d’ajouts et de superstitions.
    Mon père, qui avait si vif le
sentiment de ses devoirs seigneuriaux, eût voulu quitter Barbentane quasiment
le lendemain des noces, mais M. de Montcalm n’y voulut pas consentir, arguant
que Mespech étant entré dans les mois hiverneux, et toute moisson, vendange et
cueillette finies, la présence du maître au logis ne s’avérait pas nécessaire.
Et encore qu’au rebours de l’opinion du Comte, mon

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