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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fort
soigneusement taillée aux ciseaux, comme l’étaient d’ailleurs les ongles de sa
main, laquelle, combien qu’elle fût velue sur le dessus, était propre, la
fraise immaculée et les godrons d’ycelle bien repassés, et je n’eusse pas juré,
à les envisager plus outre, que les boucles de ses cheveux ne devaient pas
davantage à l’art qu’à la nature.
     
     
    Le contrat de mariage de ma petite
sœur Catherine avait été arrêté en Mespech en un battement de cil, Quéribus
étant si coulant, mais il fallut une bonne semaine pour que le mien fût débattu
en Barbentane entre mon père et le Comte, M me de Montcalm veillant,
pendant ce temps, à ce qu’Angelina et moi ne fussions jamais laissés seuls en
même lieu, ce qui ne laissait pas de nous incommoder pour ce qu’ainsi nous
étaient refusés les baisers et autres innocentes mignonneries que les plus
sourcillants accordent aux fiancés, mais que la Gorgone qui nous avait en sa
garde ne nous eût pas permis. En outre, Larissa, dès que Samarcas s’absentait,
s’attachait à sa sœur comme l’ombre au corps, et assise, coite, sur une chaise,
l’œil continuement baissé à terre, mais à ce que je cuide, dévorant ma moindre
parole, comme elle m’eût de l’œil dévoré, si elle avait osé enfreindre les
tables de la Loi. La Gorgone que j’ai dite était une sorte d’intendante au
service de la Comtesse – le domestique en Barbentane étant le double en
nombre qu’en Mespech, encore que Montcalm fût deux fois moins riche que mon
père, comme bien il apparut dans la discussion du contrat – et je ne sais
si M me de Montcalm lui avait commandé une si imployable roideur, ou
si elle la tirait de l’aigreur et du vinaigre de sa propre chasteté, mais à
peine approchais-je ma face de la belle face d’Angelina, étant par elle aussi
irréfrénablement attiré que le cheval par l’herbe tendre et verte du printemps,
qu’elle se mettait à toussir et disait du ton le plus rebuffant :
    — Plaise à vous, Monsieur de
Siorac, de distances garder.
    À quoi Angelina soupirait, et
Larissa, une octave plus bas, soupirait aussi, la paupière toujours abaissée,
mais partageant tous les émeuvements de sa jumelle dans la seconde même où elle
les éprouvait et buvant, à ce que j’opine, les compliments et les muguetteries
que j’adressais à sa sœur, comme si elle on eût été aussi l’objet. Quant à moi,
fort rebéqué par la tyrannie de cette ménine, laquelle, si elle ne portait pas,
comme la Gorgone, des serpents parmi ses cheveux, en sécrétait les venins en
son cœur, ennemie qu’elle était de toute vie et tendresse, j’osai, le monstre
s’éloignant un petit pour quérir du vin (flaconnant prou, à ce que je cuide)
demander à mon aimée un rendez-vous secret à la tombée du jour, dans la
poivrière flanquant la tour Est, celle-là même où en 1567, elle m’avait gagé sa
foi, et cette remembrance lui étant tant chère qu’à moi-même, mon importunité
ne faillit pas à vaincre ses scrupules et après quelques implorations, elle fut
bonne assez pour y consentir. Ma prière, bien qu’à voix basse, fut de force
forcée dite à portée d’ouïe de Larissa, en laquelle toutefois Angelina avait
autant de fiance qu’en elle-même, les deux sœurs ne s’étant jamais l’une et
l’autre trahies, et ayant entre elles une amitié, ou pour mieux dire, une amour
incrédiblement intime et immutable, et l’une avec l’autre cette sorte de
commerce connivent, indulgent et facile qu’un homme d’ordinaire n’entretient
qu’avec soi.
    Dès que le jour déclina, je pris
donc congé de mon Angelina, de Larissa et de la Gorgone (avec qui je tâchai de
garder quelques formes) et me retirai dans ma chambre où je demeurai quelque
temps à muser, espérant la nuit, laquelle survenant, je gagnai le chemin de
ronde, et me mis à poste dans la poivrière, petite guérite ouverte sur ledit
chemin par une ouverture ogivale et garnie de meurtrières coudées par
lesquelles, étant soi-même hors d’atteinte, on eût pu contrebattre des
assaillants assez intrépides pour escalader la tour Est, laquelle surplombait
les douves de quinze toises au moins. Combien que la nuit fût froide assez, le
vent soufflant sur les remparts continuement pour ce qu’il n’y trouvait pas de
traverse à sa course, la poivrière, dès que j’eus en son dedans pénétré, m’en
protégea et me bailla, par surcroît, une fort douce et commode

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