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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ma
dextre, je me mis à envisager celle qu’on retenait, et celle-là seulement, d’un
air plus tendre et plus confiant. Ce que voyant celle qui retenait, cessant ses
souris à moi adressés, se mordit la lèvre et battit du cil d’un air fort
malheureux, resserrant cependant sa prise sur la main de sa jumelle, laquelle
je gage, était forte assez pour se dégager, mais n’en avait pas le cœur, étant
si bonne et si piteuse.
    Cette indécente contrainte portait
en elle une signification si odieuse et si manifeste que M. de Montcalm qui, à
ce que je cuide, l’apercevait aussi, l’eût fait cesser, s’il n’avait été trop
vergogné, et peut-être épouvanté par le pensement d’un subit retour du démon en
Larissa pour ouvrir la bouche. À ce que me dit plus tard Giacomi, il se borna à
jeter à Samarcas un œil fort suppliant que le jésuite, qui avait envisagé toute
la scène que je viens de dire d’un air indifférent, feignit de prime de ne pas
encontrer, mais M me de Montcalm s’étant penchée à lui et lui ayant à
l’oreille murmuré quelques mots, Samarcas se retourna sur son escabelle, et
jetant un regard, un seul, et fort bref à Larissa, il dit sur le ton le plus
négligent du monde :
    — Larissa, venez tout de gob
céans et vous asseyez à mon côté sans tant languir.
    À quoi tressaillant à sa voix de cap
à pied, Larissa lâcha incontinent la main d’Angelina, et s’avança, l’œil baissé
et la mine contrite, et s’assit comme il avait dit, sa jumelle, libérée,
courant à moi comme oiselle vole à son oiseau.
    Quand je me fus repu de sa vue et de
sa voix, sur lesquels mes yeux et mon ouïe se jetaient pour ainsi parler avec
une friandise inouïe, me pouvant à peine rassasier de ce que cet objet de ma
dilection me pouvait donner de soi en notre première encontre après ces deux
ans écoulés, et en Paris encore ne l’ayant vue qu’un temps si bref sans même la
pouvoir entendre, je ne laissai pas que de jeter un œil en catimini sur
Samarcas et son étrange pupille, laquelle, quiète et coite, se tenait, l’œil
baissé et le parpal haletant, tandis que le jésuite, sa grande main velue
plaquant celle de Larissa contre le plat de la table et l’y tenant serrée et
prisonnière comme souris sous la griffe d’un chat, lui faisait à l’oreille,
d’une voix assourdie et grave comme un tambour d’un crêpe recouvert, tout un
prêche que la pauvrette oyait, branlant du chef et parpelejant continuement des
paupières, mais sans jamais oser lever l’œil sur moi. Tant bourdonnante et
basse était la voix de Samarcas que je ne pouvais, quant à moi, attraper les
paroles qu’il jetait une à une dans la mignonne oreille de Larissa avec tout
leur poids de péché. Mais je pouvais, en revanche, le physionomiser tout à
loisir, son attention étant ailleurs tant retenue, et moi l’envisageant comme
j’ai dit, à la dérobée, mon œil à s’teure de lui vaguant, et à s’teure à lui
revenant.
    Samarcas avait la face de cette
couleur brun jaunâtre qu’on appelle le bistre, le nez long et courbe, les joues
tant creuses et la chair tant resserrée sur les os qu’on voyait saillir les
muscles de la mâchoire quand il mâchellait ses viandes, ladite mâchoire étant
forte et carrée, les lèvres minces et au repos fort comprimées l’une sur
l’autre, les sourcils broussailleux et très noirs, lesquels, se rejoignant à la
base du nez, soulignaient son front d’un gros trait quasiment rectiligne, ledit
front haut et bossué, le cheveu abondant et bouclé avec beaucoup plus de poivre
que de sel, celui-ci n’apparaissant qu’aux tempes, les yeux d’un noir de jais,
très enfoncés dans l’orbite, étincelants et brûlants sous la barrière des sourcils,
et outre ce feu, fort mobiles, vifs, épiants, sondeurs, fureteurs et paraissant
voir comme ceux de la mouche, de tous les côtés à la fois, tant est qu’il ne
fut pas sans apercevoir que je l’examinais, combien que son regard restât fixé
sur Larissa, et vers moi se tournant tout soudain, me jeta un terrible coup
d’œil, lequel, m’ayant percé jusqu’aux moelles, fut incontinent suivi par un
sourire tant charmant, amical et suave qu’il me laissa béant, ne sachant ce que
je devais retenir de cette prime escarmouche : la déclaration de guerre ou
l’offre de paix qui l’avait suivie. J’observais cependant, avant de retirer mes
troupes, que Samarcas portait moustache et barbe, celle-ci fort courte et

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