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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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Hazembat n’eut pas le temps d’observer l’effet produit par l’incident. Mettant la barre à tribord, il alla accoster devant la citadelle.  
    Il ne restait que quatre hommes valides quand il débarqua.  
    L’officier qui le suivait lui passa le bras autour des épaules.  
    — Bien joué, matelot ! Tu es un fin timonier !  
    — J’ai servi sur la Bayonnaise, lieutenant. C’était une corvette du même type que la Sappho.  
    —  La Bayonnaise ? Il y a plus de dix ans de ça ! Tu étais donc sous les ordres du capitaine Leblond-Plassan ?  
    — J’étais son patron de chaloupe, lieutenant.  
    — Moi, j’ai servi avec lui sur la frégate la Minerve, en mer du Nord… Mais, dis-moi, il y a une histoire qu’il racontait souvent : si tu es son ancien patron de chaloupe, c’est toi qui lui as sauvé la vie à Trafalgar ?  
    — J’étais avec lui à l’abordage du Tonnant, lieutenant.  
    — Il disait que tu étais mort.  
    — J’ai été laissé pour mort, lieutenant. Ensuite, j’ai été prisonnier de guerre.  
    — Tu t’es évadé ?  
    — Oui, lieutenant.  
    — Après tout ce temps, il doit te tarder de rentrer chez toi ! D’où es-tu ?  
    — De Langon, lieutenant, mais je suis revenu pour me battre.  
    L’autre hocha la tête.  
    — Avec la Sappho dans cet état, il n’y a plus grand-chose à faire pour la marine sur l’Adour. Le mieux est que tu ailles à Bordeaux. Où es-tu logé ?  
    — J’ai laissé mon fardage à l’Arsenal, lieutenant.  
    — Bon. Je suis le lieutenant Girard. Je prendrai contact avec toi. Maintenant, il faut que je m’occupe de ce qu’il reste de la Sappho.  
    Hazembat passa les trois jours suivants étendu sur une paillasse dans une casemate de l’Arsenal. Malgré les punaises, il dormit la plupart du temps, indifférent au brouhaha des blessés qu’on amenait ou qu’on emportait morts. Deux fois par jour, il allait chercher à la cuisine une ration de pain, de soupe et de vin. Le temps s’était remis à la pluie et il faisait un peu moins froid.  
    Le 26, un marin parut à l’entrée de la casemate et appela :  
    — Matelot Hazembat !  
    — Présent !  
    — On te demande.  
    Le lieutenant Girard attendait sous le porche. Il lui tendit un papier.  
    — Tiens, voilà ton sauf-conduit, mais tu devras aller à pied. Les Anglais ont franchi l’Adour au Boucau sur un pont de bateaux. Ils coupent la grand-route de Bordeaux. D’autre part, ils menacent Peyrehorade, et Orthez est sur le point de tomber. Le mieux est que tu longes l’Adour jusqu’à Saubusse et qu’ensuite tu prennes droit à travers la Grande Lande.  
    — Mais c’est tout du marécage, lieutenant.  
    — Justement : tu auras moins de chances d’y rencontrer les Anglais.  
    Il se mit en route le lendemain à l’aube sous une pluie battante. Il portait toujours les hardes récupérées de Sedano. Elles étaient effilochées et déchirées, mais cela l’aiderait à passer inaperçu.  
    En suivant la rive droite de l’Adour, il remarqua une dizaine de couralins qui, ancrés de loin en loin sur la rivière, surveillaient la rive gauche. Plusieurs fois, il fut arrêté par des postes militaires, mais, sur le vu de son sauf -conduit, on le laissait passer.  
    Le soir, au confluent de l’Adour et des Gaves, il tomba sur un bivouac de grenadiers. C’était une compagnie qui avait fait la retraite de Russie et qu’on avait envoyée au repos sur le front d’Espagne. Ces vétérans à la mou stache grise l’accueillirent avec gentillesse et lui offrirent des pommes de terre cuites sous la cendre. Démunis de tout, affamés, trempés, ils avaient un moral inébranlable. Le lendemain, avant de reprendre la route, Hazembat assista, le cœur serré, à la parade des bonnets à poil pour l’envoi des couleurs.  
    La deuxième nuit, il dormit dans une grange de Saubusse. La rive gauche de l’Adour était entièrement inondée. A l’aube, quand il partit, il regarda curieusement le village d’où était issue la famille Dumeau. Il y avait un gros courau armé devant le port. Hazembat se demanda si lui aussi appartenait au tout-puissant Bus-quet Dumeau.  
    C’est dans l’après-midi, lorsqu’il fut engagé dans la lande, que commencèrent les difficultés. L’espèce de talus qu’il suivait en direction du nord-est s’achevait devant un marécage où l’eau miroitait entre les hautes herbes. De son bâton, il tâta

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