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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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et là, mais, même à l’intérieur des remparts de Bayonne où les soldats abondaient, Hazembat fut frappé par le calme de la population. Certes, on voyait des files de charrettes chargées qui prenaient le chemin du nord par le grand pont de pierre, mais, malgré le froid très vif, il y avait des promeneurs sur les bords de l’Adour, singulièrement indifférents, semblait-il, à la proximité des troupes anglaises. L’administration militaire ne montrait aucun signe de désorganisation ou de panique, tout au plus une sorte d’improvisation fiévreuse, mais méthodique.  
    Le lieutenant de vaisseau devant lequel il comparut se contenta de l’interroger sur sa spécialité.  
    — Tu as été batelier, puis timonier ? Très bien. Je vais te mettre sur un des cotres du Boucau.  
    Il y avait douze cotres, armés chacun de trois canons de 24, entourant la corvette Sappho à l’ancre en plein milieu de l’Adour, face au môle de pierre qui courait le long de la rive droite.  
    Le cotre auquel fut affecté Hazembat s’appelait le Diablotin et il était commandé par un premier maître du nom de Bordes qui avait été batelier sur l’Adour.  
    — Tu connais Busquet Dumeau ? demanda Hazembat.  
    — Le père Dumeau ? Eh, couillon, c’est pour lui que je travaillais ! Tout le monde travaille pour lui sur l’Adour et la Midouze.  
    — Il continue le trafic par Mont-de-Marsan et Langon ?  
    — Avec l’armée, il en profite, le bougre ! En ce moment, tous ses couralins sont réquisitionnés pour la défense de Bayonne en amont. Mais, si les Anglais continuent d’avancer, il sera le premier à porter la cocarde blanche et à travailler pour le roi !  
    — On va avoir un roi ?  
    — Qu’est-ce que tu crois, hildepute ? La Rochejaquelein est déjà à Bordeaux !  
    — La Rochejaquelein, l’ancien chef des chouans ?  
    — Son frère. Et il a des amis partout, crois-moi. Mais Napoléon ne les laissera pas faire. Pour le moment, on prend les quartiers d’hiver. Attends un peu que le dégel arrive. L’Empereur a déjà tout calculé dans sa tête. Il y a dix mille hommes à Bayonne, et de bons soldats. Soult tient le Béarn. Les Anglais ne passeront pas l’Adour et l’Empereur aura les mains libres pour culbuter les Prussiens, les Autrichiens et les Russes dans le nord !  
    Etonné par cette confiance aveugle, Hazembat se contenta de hocher la tête. Il aurait voulu avoir de pareilles certitudes.  
    La mission de la Sappho et des cotres qui l’accompagnaient était d’interdire l’entrée de l’estuaire. Ce dernier disposait d’ailleurs d’une défense plus redoutable que ses canons : la fameuse barre de Bayonne, sorte de barrière de sable et de débris, soulevée par la rencontre de la marée et du courant et sur laquelle venait déferler la grande houle, rendant le passage extrêmement périlleux. Le nouveau môle de quelque deux cents toises construit dans le prolongement du quai de la rive droite n’avait fait que reporter l’obstacle un peu plus au large. Il fallait un pilote expérimenté pour franchir la barre de Bayonne avec une chance de ne pas chavirer.  
    On avait enlevé la balise qui, située naguère sur la dune de la rive gauche, servait à guider les navires. Même les barques de pêche espagnoles concentrées par la flotte anglaise à Saint-Jean-de-Luz seraient incapables d’entrer dans l’Adour sans dégâts.  
    Deux ou trois fois pendant le mois de janvier, le Diablotin remonta jusqu’à Bayonne. L’Adour était en crue et l’on disait que les ponts de la Nive avaient été emportés, bloquant les Anglais. On disait aussi que Clausel avait gagné du terrain sur la Bidouze et qu’Harispe et ses partisans avaient mis les guérilleros espagnols en fuite à Saint-Etienne-de-Baigorri. Le bruit courait même que les Anglais menaient des négociations secrètes avec Napoléon.  
    A partir du 6 février, le dégel s’accentua et, quelques jours plus tard, par temps relativement doux, les Anglais et les Espagnols reprirent l’offensive le long de la Nive et du gave d’Oloron, menaçant de déborder Bayonne par l’est. Soult avait établi son quartier général à Orthez.  
    Le 22 février, les avant-postes d’Anglet se replièrent sur la citadelle en même temps que des éléments ennemis s’infiltraient le long de la côte jusqu’à l’emplacement de l’ancienne balise. Abrités derrière les dunes, ils commencèrent à bombarder

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