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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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Leblond-Plassan, sur l’ordre de Le Tourneur, manœuvrait à aborder le Tonnant.  
    La mêlée était si serrée et la fumée si dense que Le Tourneur fit cesser le feu de peur de canonner un navire ami. Pendant cette accalmie, il n’y avait pas grand-chose à faire pour Hazembat. Il grimpa dans la hune. A trois encablures au sud-ouest, l’ Achille français était engagé dans un combat fratricide avec l’ Achilles anglais que l’Argonaute attaquait par bâbord. Sur l’autre bord, le Redoutable engageait le Victory qui venait d’éviter le Bucentaure. Plus au nord encore, l’avant-garde française, séparée du corps de bataille, semblait comme paralysée et impuissante à intervenir.  
    Quand il redescendit sur le pont, le contre-amiral Magon parut sur la dunette en grand uniforme de parade. Le Tonnant surgit de la fumée à une demi-encablure. Aussitôt la canonnade reprit, tandis que se déclenchait un violent feu de mousqueterie. Quand les beauprés se touchèrent, Le Tourneur cria :  
    — A l’abordage !  
    Suivi de sa division, Leblond-Plassan attaqua par l’avant. Pris dans le flot des gabiers qui montaient à l’abordage en hurlant, Hazembat taillait dans les filets à grands coups de sabre. Comme il mettait le pied sur le pont de l’Anglais, il reconnut à côté de lui Jantet, armé d’une herminette. Ecrasés sous le nombre, les Anglais reculèrent d’abord, puis, des écoutilles, surgirent par vagues les canonniers armés de masses, de barres et de taquets de tournage. A l’aveugle, Hazembat cognait et taillait dans la mêlée en vociférant n’importe quoi pour faire plus de bruit que les autres.  
    A un certain moment, il se trouva près de Leblond-Plassan qui parait avec son sabre d’honneur les moulinets d’un grand quartier-maître blond, armé d’une pique. Il réussit à embrocher son adversaire au moment où la pique se plantait dans son bras gauche. Le sang jaillit.  
    — Vous êtes blessé, lieutenant ? cria Hazembat.  
    — Ce n’est rien. Rallie les hommes. Ceux de l’arrière sont en difficulté.  
    A l’arrière, en effet, les divisions d’abordage avaient lancé des grappins pour amener les navires bord à bord, mais les Anglais s’étaient retranchés autour de la dunette. Bien que décimés par le tir des soldats français perchés dans les vergues de l’ Algésiras, les marines entretenaient un feu meurtrier contre les assaillants. A la tête d’une division, Navarrot, accroché aux filets, tentait de prendre pied à hauteur du mât d’artimon. Soudain, Hazembat le vit lever les bras, bouche ouverte, et tomber dans la mer entre les deux coques.  
    Ils durent refluer vers l’avant. La division de Leblond-Plassan ne comptait plus qu’une dizaine d’hommes valides. Hazembat fit évacuer les blessés, parmi lesquels Jantet, touché à la poitrine. Une nouvelle division, conduite par Pigache, déferla en hurlant par-dessus le pavois.  
    — Le commandant est blessé ! cria Pigache au passage.  
    Aidé de ce renfort, Leblond-Plassan, le bras gauche inerte, reprit l’assaut. Cette fois, ils arrivèrent presque jusqu’à la timonerie. A quelques pieds de l’échelle de dunette, ce fut une affreuse boucherie. Pris de fureur, Anglais, Français et Espagnols s’étripaient, se coupaient la gorge, se fendaient le crâne. Hazembat vit un officier anglais blessé qui pointait un pierrier vers la dunette de l ’Algésiras où Magon, le bras en écharpe, mais toujours impassible sous son bicorne empanaché, observait le combat. Le coup partit et Magon s’écroula. En même temps, une centaine d’Anglais, jaillis des écoutilles, montaient par l’arrière à l’abordage de l’ Algésiras.  
    Leblond-Plassan cria :  
    — Il faut aller défendre le navire ! Repliez-vous ! Evacuez ! Tout le monde à bord !  
    L’officier anglais avait rechargé le pierrier et, le faisant pivoter, le dirigeait maintenant vers les assaillants, directement pointé sur Leblond-Plassan. Au moment où il tirait sur la lanière, Hazembat se jeta en avant d’un geste instinctif. Il se sentit emporté en arrière par un souffle d’ouragan qui l’assourdit et un voile rouge s’abattit sur ses yeux.  

CHAPITRE IV : PRISONNIER DE GUERRE
    Curieusement, il ne perdit pas conscience. C’était comme s’il flottait au-dessus du corps ensanglanté qui gisait sur le pont et dont il ressentait les atroces douleurs à travers une distance qui les rendait comme

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