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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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condition de prisonniers de guerre…  
    En prononçant ces derniers mots, il avait les yeux fixés sur Hazembat, mais rien, dans sa mine froide et figée, ne trahit la moindre émotion.  
    Le lendemain matin, le Charon était en mer sous une brise modérée de sud-est. Hazembat demanda à Smithy qui servait la bouillie :  
    — Quel jour sommes-nous ?  
    — Le samedi 17 mai 1806. Demain, c’est le jour du Seigneur et tu pourras lui rendre grâces.  
    — Le 17 mai ?  
    Ainsi il y avait déjà sept mois que s’était livrée la bataille de Trafalgar et près d’un mois et demi qu’Hazembat avait passé son vingt-huitième anniversaire. Il regarda la mer. La captivité s’étendait devant lui comme un horizon de jours sans fin.  

CHAPITRE V : LES PONTONS DE PORTSMOUTH
    Le Charon mit vingt-cinq jours pour arriver en vue d’Ouessant qu’il laissa à dix milles. Ce matin-là, Hazembat aperçut par bâbord les voiles de deux frégates anglaises qui continuaient à monter obstinément la garde devant Brest. Dans l’après-midi, il sentit que le navire changeait de bord pour s’engager dans la Manche. Le vent avait fraîchi et, aux bruits, il perçut qu’on diminuait la voile. Toute la nuit, le navire fut rudement secoué sur une mer clapoteuse.  
    Le lendemain, quand les prisonniers montèrent sur le pont pour la bouillie et la promenade, le temps était bouché et des rafales de nord-ouest balayaient les coursives de pluie mêlée d’embruns glacés. Hazembat se mit à croupetons tout contre le pavois pour manger sa bouillie avec l’illusion d’être tant soit peu à l’abri.  
    —  Deck there ! cria soudain une vigie. Sail on the weather bow !  
    Une voile par bâbord, cela pouvait être n’importe quoi, vraisemblablement un navire anglais faisant route vers l’Atlantique : tout le trafic du port de Londres passait par là. La vigie devait à peine avoir entrevu la voile entre deux rafales car, lorsque Hazembat se pencha vers l’avant, il ne vit que le rideau de pluie qui fermait l’horizon à une encablure.  
    De nouveau, la voix de la vigie descendit des hunes.  
    —  Sail making for us, two miles away !  
    Le navire inconnu n’était pas loin et se rapprochait rapidement du Charon. Les sifflets retentirent aussitôt, appelant au branle-bas de combat. Bentley parut sur la dunette, son télescope braqué par bâbord. Comme tous les autres prisonniers, Hazembat s’était précipité vers le pavois et cherchait à percer la crasse du regard, à demi aveuglé par les embruns qui lui cinglaient le visage. Soudain, un coup de vent déchira le rideau de pluie et, en un éclair, il vit le navire. C’était un brigantin d’assez petite taille, la moitié d’un vaisseau de ligne, taillé comme un navire de commerce. Les corsaires français utilisaient volontiers ce genre de brigantins, lourdement armés, mais rapides et maniables, pour harceler le commerce britannique.  
    Les marines arrivaient en courant, martelant le pont de leurs bottes, et poussaient à coups de crosse les prisonniers vers les écoutilles. Avant de se laisser entraîner, Hazembat eut le temps d’apercevoir encore une fois le navire et il lui sembla voir flotter le tricolore à la corne d’artimon.  
    De sa place dans la galerie, à tribord, il entendit qu’on roulait pour les mettre en batterie les canons de 9 qui, disposés à barbiche, quatre par bord, constituaient l’armement du Charon. Cela représentait une puissance de feu modeste, mais suffisante pour maintenir à distance un agresseur d’importance moyenne. Tout dépendait de la qualité des canonniers : les 9 n’étaient efficaces que dans la mesure où leur tir était précis à longue portée. Dans le combat rapproché, ils ne présentaient plus aucun avantage. Il fallait mettre l’adversaire hors de combat avant qu’il ne pût lui-même venir à portée de tir.  
    Comme il fallait s’y attendre, ce fut Bentley qui engagea le combat. La bordée de bâbord tonna au coup par coup, éveillant des échos assourdissants dans la coque creuse. Le meilleur pointeur devait aller de pièce en pièce pour le réglage.  
    Le grondement lointain de la réponse vint aussitôt : une salve d’une dizaine de pièces, probablement de 24.  
    Aucun ébranlement de la coque n’indiqua qu’il y avait eu un coup au but.  
    Le Charon répliqua avec un délai qui en disait long sur le manque d’entraînement de l’équipage. Il y eut des

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