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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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se mettre en avant. Puis, comme personne ne répondait, il se leva et salua.  
    —  I do, sir. Seaman first class Bernard Hazembat.  
    —  Bien. Vous serez responsable des prisonniers. Envoyez une corvée chercher des prélarts et des filins pour vous gréer un abri provisoire et envoyez une autre corvée chercher du biscuit chez le stewart.  
    — Aye, aye, sir.  
    Rapidement, Hazembat désigna les deux corvées qui s’éloignèrent, escortées par des marines. Une heure plus tard, l’estomac plein de biscuit de mer anglais, plus dur mais plus friable que le français, ils avaient réussi à se construire une sorte d’auvent qui les mettait à l’abri de la pluie, mais non des embruns soulevés par l’étrave de la frégate.  
    Le temps s’était levé quand la frégate arriva en vue de l’île de Wight dans l’après-midi du lendemain. Elle jeta l’ancre sous un grand soleil dans un bras de mer qui séparait l’île de la côte et où étaient mouillés des dizaines de navires. Hazembat supposa que c’était là le fameux Spithead, cœur de la force navale anglaise.  
    Il y eut encore une distribution de biscuits, puis la nuit passa, plus calme et confortable que la précédente et, au matin, une allège vint se ranger le long du bâtiment. Sur l’ordre de l’officier, Hazembat dirigea l’embarquement et, toujours surveillés par un piquet de marines, les prisonniers commencèrent le long trajet vers le port intérieur de Portsmouth. Vers midi, ils franchirent une passe étroite entre une jetée et la ville, puis longèrent des chantiers de construction pour se diriger à travers un trafic intense de petites embarcations vers le fond de la rade où des coques sans mâts étaient mouillées comme des vaisseaux fantômes. C’étaient les fameux pontons.  
    La première impression d’Hazembat, quand il mit le pied sur le ponton auquel l’allège les mena, fut l’odeur de pourriture. Ce n’était pas l’âcre senteur des vaisseaux de guerre, faite de goudron, de bois sec, de sueur et de relents de sentine, mais quelque chose d’infiniment doucereux et malsain, fleurant la mort, la décrépitude et l’abandon. Tout était délabré et moisi. Les gardiens eux-mêmes étaient des vétérans crasseux et déguenillés.  
    Le ponton était un ancien vaisseau de ligne et l’on avait utilisé tous les recoins pour recevoir les prisonniers. Les derniers arrivés n’étaient pas les mieux servis et les survivants du Charon se trouvèrent entassés à l’avant du faux-pont dans ce qui avait dû être la fosse aux câbles, un des endroits les plus obscurs et les plus humides de la coque.  
    La garde étant assurée aux échelles, les prisonniers jouissaient d’une certaine liberté de mouvement dans le niveau auquel ils étaient parqués. Hazembat en profita pour effectuer une reconnaissance vers l’arrière. Il comprit vite qu’il existait à bord une très stricte organisation interne, appuyée sur une hiérarchie qui s’était créée d’elle-même entre les captifs.  
    Il y avait là des marins de nombreuses nationalités, l’Angleterre étant en guerre avec pratiquement tous les pays d’Europe. A hauteur de ce qui avait été la cage du cabestan, Hazembat se heurta à un grand diable blond qui l’interpella brutalement en une langue barbare. Il sut plus tard que c’était du néerlandais. Pour le moment, il comprit sans équivoque qu’il y avait là un espace réservé où il n’était pas le bienvenu, et il fit un détour par la coursive de tribord. Plus loin, il rencontra des Français, tous bretons, qui avaient été faits prisonniers à Trafalgar et dont le chef était un canonnier de l’ Argonaute. Hazembat se souvenait de lui comme d’une brute sans cervelle. Il semblait faire régner sur son groupe une terreur abjecte et il intima l’ordre à Hazembat de déguerpir au plus tôt.  
    Les Espagnols qui étaient à l’arrière du grand mât furent plus accueillants, encore que d’abord sourdement hostiles à un Français. Ils étaient peu nombreux. Après Trafalgar, les Anglais avaient libéré plusieurs équipages espagnols. Ceux qui restaient étaient surtout des Catalans, capturés en Méditerranée, et Hazembat eut quelque mal à se faire entendre d’eux. Il y parvint en mêlant le gascon au castillan.  
    Tout à l’arrière, dans l’ancienne soute aux vivres, nichaient des Italiens. Ils paraissaient moins strictement organisés et plus détendus que les

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