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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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enjolivait ses souvenirs de campagne en mer du Nord et jusqu’au cercle polaire. De la pêche, Hazembat ne connaissait que celle qu’il avait pratiquée avec Sam Billings et Ekwé au large de Cuba. Fasciné, il écoutait les récits de bancs grouillants de sardines au milieu desquels on entrevoyait, mi-femme, mi-poisson, la forme fugitive d’une sirène, ou de rivages gris dans le brouillard, parsemés de rochers noirs dressés qui étaient des géants pétrifiés et entre lesquels jouaient les phoques.  
    Tout au long du printemps et pendant les interminables journées d’été, le travail continua, minutieux, fastidieux quelquefois. Le 28 août, jour du quatorzième anniversaire de Jenny, le bateau était prêt à prendre la mer. Tôt le matin, sous un ciel radieux, Hazembat tira un bord prudent au large de l’île pour éprouver les manœuvres. Les Murdoch connaissaient bien le maniement des voiles à livarde. La barre répondait avec aisance et, en rentrant au plus près serré sous une brise de nord-ouest, Hazembat avait eu la satisfaction de se rendre compte que le navire était ardent et venait de lui-même au vent.  
    Toute la journée, on ripailla en l’honneur de Jenny. Hawkins avait sacrifié un mouton et Mrs Kerr prépara un haggis avec l’estomac farci. Cela rappelait un peu la tuère du cochon, mais avec des odeurs différentes qui rassasiaient vite et soulevaient un peu le cœur. Dans l’après-midi, tandis que Robert Murdoch et Duncan prenaient la mer pour aller à Dunbar chercher de la peinture destinée aux ultimes retouches, Sir John, Lady Jenny et Miss Rowan s’embarquèrent pour la première sortie de la Jenny. Il ne s’agissait que d’un simple tour de l’île, mais Hazembat se sentait profondément angoissé à l’idée d’être, pour la première fois de sa vie, maître après Dieu et responsable d’âmes. Ils remontèrent d’abord le Firth sur un mille, puis virèrent de bord sans anicroche. Quand ils longèrent au nord les hautes falaises de l’île, il sentit la brise fraîchir. C’était peu de chose, mais suffisamment pour que, par grand largue, la Jenny atteignît une vitesse de sept ou huit nœuds. Avec seulement Angus pour manœuvrer la voilure, le virement lof pour lof, nécessaire pour prendre la route du retour, serait délicat. Il s’obligea à calculer froidement l’équilibre des forces qui s’exerceraient sur le navire. A coups de barre prudents, il amena le navire vent arrière. Le moment critique était venu.  
    — Angus, cria-t-il, affale la voile arrière !… Pare à changer de bord la voile avant !… Vas-y !  
    En même temps, il mit toute la barre à tribord. La Jenny courut en cercle sur son erre, gîtant légèrement. La voile fasseya, puis accrocha le vent.  
    — Borde au plus près, Angus ! cria Hazembat. Remets la voile arrière !  
    Il s’aperçut alors qu’il avait les mains crispées sur les manettes à s’en faire blanchir les doigts. Vingt minutes plus tard, la Jenny mouilla devant la plage.  
    — Je ne suis pas marin, dit Sir John, mais il me semble que tu t’en tires bien, Hazy !  
    Se haussant sur la pointe des pieds, Jenny vint lui donner un baiser.  
    — Merci pour ce cadeau d’anniversaire, Hazy. Rien ne pouvait me faire plus de plaisir.  
    Cette nuit-là, Hazembat était seul, car le Révérend Scougal avait averti Lorna qu’il viendrait lui rendre visite. Accoudé à la petite fenêtre de sa cellule, il respirait l’air de la mer. La lune était pleine et l’on voyait l’horizon et la côte. Sur la gauche, les arêtes du piton de Bass Rock se détachaient en noir sur le ciel étoile. Pour la première fois depuis bien longtemps, il eut un soupir d’aise. De sa fenêtre, il ne pouvait apercevoir la crique où était ancrée la Jenny, mais le petit navire était comme une présence secrète et précieuse au fond de ses pensées. Il imaginait qu’une femme enceinte devait ainsi sentir son enfant. Il gardait dans ses bras, dans ses jambes, dans tous ses muscles, le souvenir des mouvements du navire comme jadis, après avoir couché pour la première fois avec Pouriquète, il avait gardé pendant des jours sur sa peau le souvenir de son corps.  
    Un bruit de pas sous sa fenêtre attira son attention. Sous la clarté lunaire, il reconnut Robert Murdoch qui se dirigeait vers sa cabane. Duncan et lui avaient dû profiter du clair de lune pour rentrer de nuit. Il allait se coucher quand il entendit de

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