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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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méprisant. Au bout d’un moment, les pas de l’officier s’éloignèrent et l’on entendit le canot qui débordait.  
    Longtemps après, une autre embarcation accosta la Jenny. A en juger par la commotion, ce devait être une chaloupe d’une dizaine de rameurs. Le sifflet du maître d’équipage modula un salut et des bottes martelèrent le pont. De nouveau, Vickery frappa à la porte de la cabine.  
    — Sir John, le commodore Hornblower est à votre bord et désire s’entretenir avec vous.  
    Hazembat entendit la porte qui s’ouvrait. Il ne perdait pas un mot de la conversation qui se déroulait au-dessus de sa tête.  
    — Très honoré, commodore, dit la voix de Sir John.  
    — L’honneur est sûrement pour moi, Sir John.  
    Il y eut un silence, puis la voix sèche du commodore reprit.  
    — Je regrette les quelques inconvénients qu’a pu vous causer l’application par le lieutenant Vickery des consignes que je lui avais données.  
    — Je respecte votre grade, commodore, mais il n’a guère d’autorité sur un bâtiment civil.  
    — Nous sommes en guerre, Sir John.  
    — Cela ne suspend pas les droits fondamentaux de la propriété privée, ni n’autorise l’invasion brutale d’un territoire protégé par eux.  
    Il fallut sans doute un bon moment au commodore pour dominer son irritation, car c’est seulement après un long silence qu’il dit d’une voix dangereusement calme :  
    — Sir John, puis-je solliciter un bref entretien confidentiel avec vous ?  
    — Pas avant que vous ayez fait libérer mon skipper !  
    —  Votre skipper ? Je croyais que vous assuriez vous-même le commandement de ce yacht ?  
    — Je ne serais pas capable de faire naviguer une coque de noix dans une vasque ! Vous savez très bien qui je veux dire !  
    — Ah ! vous voulez sans doute parler du prisonnier français ?  
    — Oui, il a été mis à la disposition de Sir Hew par l’Amirauté. J’exige qu’il soit présent à notre entretien !  
    — Bien, Sir John. Vickery, veuillez avoir l’obligeance de faire venir le prisonnier.  
    Hazembat émergea du poste d’équipage en clignant des yeux. Il reconnut immédiatement le commodore comme le post-captain qui jouait au whist dans les Long Rooms de Portsmouth et l’avait une fois complimenté sur sa science de la navigation.  
    Le commodore l’avait également reconnu, car son œil froid se fixa sur lui avec perspicacité.  
    — Tiens, matelot, vous avez donc renoncé à servir le marquis de Sainte-Croix et accepté de prendre un emploi mieux en rapport avec vos compétences ?  
    —  Yes, sir.  
    —  Vous le connaissez ? demanda Sir John, surpris.  
    — Oui, oui, bien sûr, Sir John. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c’était à l’issue d’une partie de whist où votre fils, le major Dalrymple, avait fait une défausse qui lui avait coûté vingt-cinq guinées. Il s’appelle… non, laissez-moi, j’ai une excellente mémoire des noms… Hazembat… Bernard Hazembat. Exact, matelot ?  
    — C’est exact, sir.  
    —  Alors, matelot Hazembat, pouvez-vous m’expliquer comment il se fait que, vous ayant laissé serveur aux Long Rooms de Portsmouth, je vous retrouve skipper d’un yacht dans la rner du Nord ?  
    Ce fut Sir John qui intervint.  
    — C’est mon fils qui a servi d’intermédiaire. Hazembat avait été recommandé à Sir Hew Dalrymple par notre cousin, le capitaine Stephen Holloway.  
    — Le jeune Hell-away ? C’est un des espoirs de notre marine. Vous le connaissez, Hazembat ?  
    —  Yes, sir. Nous avons embarqué tous deux en 1794 comme apprentis timoniers sur la Belle de Lormont, un navire de commerce de Bordeaux qui se rendait aux Antilles.  
    — Et le voilà post-captain, alors que vous n’êtes que simple matelot. Décidément, la France ne sait pas tirer parti de ses talents maritimes. Vickery, combien de fois avez-vous échoué à l’examen de lieutenant avant d’être reçu ?  
    — Deux fois, sir.  
    —  Eh bien, le matelot que vous voyez là a répondu sans hésiter à la question de navigation qui m’a fait trébucher lors de mon propre examen !  
    Un peu plus détendu, Hazembat prenait le temps de regarder autour de lui. Par bâbord, à deux ou trois encablures, cinq petits navires, un cotre, deux bombardes gréées en ketch et deux sloops, dont le Lotus, entouraient un soixante-quatorze qui portait le nom de

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