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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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    — J’ai eu l’honneur de rencontrer Sir Hew à Gibraltar. Il m’a paru un gentleman d’honneur. L’essentiel était que les Français s’en aillent.  
    — Les attaques contre Hew sont d’autant plus odieuses. Après tout, l’évacuation du Portugal par les Français est une brèche sérieuse dans le système continental. Maintenant, Napoléon est obligé d’aller se chercher des alliés jusqu’en Russie ! Je suppose d’ailleurs que c’est la raison pour laquelle vous croisez dans ces eaux.  
    Le visage de Hornblower se figea soudain. Il toussota légèrement et prit une gorgée de vin.  
    — J’imagine, dit-il, que ces dames doivent être fatiguées. Nous appareillerons demain à l’aube. Monsieur Hazembat, le premier lieutenant du capitaine Bush vous indiquera votre position exacte, ainsi que le cap que vous devrez suivre pour Aberdeen.  
    Il se leva, donnant le signal de la dispersion.  
    Plus tard dans la nuit, Hazembat, incapable de dormir, était accoudé au pavois de la Jenny et regardait les feux de la flottille éparpillés à quelques encablures. La mer était calme et le ciel dégagé. Il soufflait une petite brise de nord-est, froide et paisible comme une haleine de glace. Si ce vent se maintenait seulement deux jours, le retour serait une promenade. Les navires de la flottille dérivaient très légèrement vers le sud-ouest sous l’effet d’un courant à peine perceptible.  
    Son attention fut attirée par des sanglots qui semblaient venir de bâbord. Il s’approcha, essayant de distinguer leur origine à la lueur avare de la lanterne de poupe. C’est seulement quand il fut tout près qu’il aperçut la frêle silhouette tassée contre la dunette. Le visage pâle de Miss Rowan se leva vers lui, baigné de larmes.  
    — Pourquoi pleurez-vous, miss ? demanda-t-il en passant son bras autour des épaules de la jeune femme.  
    Elle s’accrocha à lui, enfouissant sa tête au creux de son épaule.  
    — Oh, Hazy, Hazy !  
    De la main, il lui caressa les cheveux. Ils étaient soyeux et souples. Elle avait défait ses bandeaux pour la nuit et jeté un manteau sur sa chemise.  
    — Quelqu’un vous a fait du chagrin, miss ? Elle se domina et s’écarta légèrement.  
    — Excusez-moi, Hazy. Je n’ai pas pu supporter de voir tous ces jeunes officiers si insouciants, si… si vivants… J’ai écouté vos récits. On meurt facilement en mer. Je les imaginais écrasés, déchiquetés… C’est atroce !  
    — C’est le sort des marins, miss.  
    —  Je ne le sais que trop ! Vous savez, Hazy, Rowan n’est que mon nom de jeune fille. Je suis Lucy Mac Culloch, la veuve du lieutenant Mac Culloch.  
    Sur le moment, Hazembat fut surtout frappé par le prénom, Lucy. Une Miss Rowan n’avait pas de prénom, presque pas de sexe. C’était une institutrice. Elle n’avait pas d’âge. Or Lucy était une jeune femme, vingt-cinq ou vingt-six ans peut-être. Sous sa main, il prenait conscience d’un corps flexible et doux.  
    — Votre mari était marin ?  
    — Oui. Il a été tué devant Ouessant en 1804. Nous venions tout juste de nous marier.  
    — Vous l’aimiez ? Elle eut un sanglot.  
    — Plus que tout au monde… Je suis la fille d’un pasteur de Linlithgow. Ma mère était morte en couches et mon père, qui m’avait élevée, était mort à son tour en 1803. C’est alors que Richard m’a épousée pour que je ne reste pas seule. C’était le fils d’une riche famille d’armateurs de Leith. Nous nous connaissions depuis l’enfance, mais ses parents ne voulaient pas de moi. Quand il a été tué, ils m’ont mise à la porte et c’est Sir John qui m’a engagée pour être l’institutrice de Lady Jenny. Elle avait dix ans à l’époque. C’est une fille attachante et même passionnante. Elle m’a aidée à oublier. Mais, cette nuit, tout est revenu…  
    Accoudés côte à côte au pavois, ils restèrent longtemps silencieux.  
    — Je hais cette guerre, murmura-t-elle avec une soudaine et sourde violence.  
    — Moi aussi.  
    — Je pense à cette fille dont vous avez parlé, Hazy. Si elle vous aimait comme j’aimais Richard, comment a-t-elle pu se marier avec un autre ?  
    — Elle me croit mort.  
    — Même Richard mort, je ne me serais jamais mariée avec un autre !  
    — Vous êtes vivante, elle aussi. C’est moi qui suis mort.  
    D’un geste vif, elle lui prit le bras.  
    — Ne dites pas cela,

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