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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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gréement. Robert lui fit une place sur la vergue.  
    — Là-bas, dit-il en tendant le doigt.  
    Les deux mâts gréés en carré émergeaient juste au-dessus de l’horizon. Ce ne devait pas être un navire beaucoup plus gros que la Jenny. Dans ces eaux, on pouvait rencontrer à peu près n’importe quoi : navire de commerce norvégien ou danois, patrouille anglaise ou, à la rigueur, corsaire français.  
    Hazembat élimina la première hypothèse quand il vit les voiles s’élargir et se rapprocher l’une de l’autre, signe que le navire changeait de cap et gouvernait à couper la route de la Jenny, ce que n’eût certainement pas fait un bâtiment de commerce.  
    Il redescendit et alla frapper à la porte de la grande cabine.  
    — Sir John, dit-il, il y a une voile en vue et elle fait route vers nous.  
    Le vieil homme haussa les sourcils.  
    — Quelle nationalité ?  
    — On ne peut encore distinguer.  
    — Comme nous n’avons même pas un pistolet à bord, il n’est pas question de livrer bataille. Si c’est un Français, tu as ta chance de recouvrer ta liberté et j’espère qu’il n’y aura pas trop de difficultés pour nous rapatrier.  
    — Et si c’est un Anglais, Sir John ?  
    — Eh bien ? Il n’y aura pas de problème.  
    — Je crains que vous n’ayez quelque mal à expliquer ma présence à bord. N’oubliez pas que je suis prisonnier de guerre.  
    — J’ai une autorisation spéciale de l’Amirauté.  
    — Vous l’avez à Edimbourg, mais l’officier qui commande ce bâtiment ne sera pas forcé de vous croire sur parole.  
    Sir John le foudroya du regard.  
    — On croit toujours sur parole le juge Sir John Dalrymple, baronet de Cranstoun et baron de l’Echiquier.  
    Une demi-heure plus tard, le navire était bien en vue.  
    C’était un sloop de guerre et, quand il vit le Union Jack flotter au grand mât, Hazembat ne put s’empêcher d’éprouver une vague déception.  
    Quand le sloop fut à deux encablures, il envoya une volée de pavillons. Le code des signaux qu’Hazembat avait trouvé à Bass Rock devait être périmé, car il ne put déchiffrer le message. Prudemment, il mit en panne, puis envoya le Union Jack au grand mât et le drapeau à la croix de Saint-André au mât de misaine.  
    Le sloop se rapprocha encore et mit en panne à une demi-encablure. On pouvait lire son nom, Lotus, sur le tableau arrière. Ses six sabords ouverts découvraient les gueules menaçantes de pièces de 9. Un grand officier maigre se pencha par-dessus la rambarde et cria au porte-voix :  
    —  Who are you ?  
    Il n’y avait pas de porte-voix à bord de la Jenny. Ce fut Malcolm qui, sur l’ordre de Sir John, mit ses mains en coupe autour de sa bouche et répondit :  
    —  Private yacht Jenny, two days out of Leith, bound for Aberdeen, Sir John Dalrymple in command !  
    — Stand by to be inspected !  
    La dernière fois qu’Hazembat avait entendu cet ordre, c’était quatorze ans plus tôt, quand la Belle de Lormont avait été arraisonnée en plein Atlantique par le lougre Indefatigable. Par une ruse de guerre assez déloyale, mais commune dans les usages de la mer, le capitaine Lesbats avait coulé l’Anglais. Il est vrai que la Belle de Lormont avait une caronade et huit pièces de 9, alors que la Jenny était complètement désarmée.  
    Le grand officier maigre qui prit pied sur le pont était très jeune. Il jeta autour de lui un regard étonné, puis, apercevant Sir John, rectifia la position.  
    — Lieutenant Vickery. Vous êtes Sir John Dalrymple ? C’est vous qui commandez ce yacht ?  
    — Oui, en tant que représentant du propriétaire, le général Sir Hew Dalrymple, gouverneur de Gibraltar.  
    Si Sir John guettait une réaction du lieutenant, il dut être déçu. Manifestement, la marine en opérations ne se tenait guère au courant des ragots qui couraient la presse. Le nom de Sir Hew ne parut rien évoquer pour Vickery.  
    — Si vous alliez de Leith à Aberdeen, dit-il, puis-je vous demander, Sir John, comment il se fait que vous soyez si éloigné de la côte ?  
    — Mon maître d’équipage vous l’expliquera. Hazembat s’avança et toucha son front du poing.  
    — Nous avons dû mettre à la cape devant la tempête, sir, mais nous étions sur le chemin du retour.  
    En l’entendant, Vickery fronça les sourcils.  
    — Vous n’êtes ni anglais ni écossais ?  
    — Non, sir, je

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