Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
Vom Netzwerk:
pouvait ignorer qu’il était capable de tuer.
    — Docteur Bruno ! s’exclama-t-il. De quoi
parlez-vous ? Le pauvre homme n’est pas encore froid, je vous en
prie ! »
    Malgré l’heure très matinale, Roger Mercer était habillé de
pied en cap. Dans l’une de ses poches, je découvris ce que je cherchais.
    « Voilà, dis-je en tendant deux clés de tailles
différentes attachées à un anneau en fer. L’une de ces clés ouvre-t-elle le
jardin ? »
    Le recteur les examina dans la lumière.
    « Oui, la plus grande ouvre les trois entrées.
    — Il n’y a donc que deux solutions : ou bien il
est entré et s’est enfermé lui-même, ou bien quelqu’un l’a enfermé après son arrivée.
Dans les deux cas, il s’est retrouvé pris au piège avec un chien sauvage.
    — Mais nous ne savons toujours pas comment le chien est
entré, remarqua le recteur.
    — Nous savons malgré tout qu’il n’a pas sauté
par-dessus le mur et qu’il n’a pas pu refermer le verrou derrière lui. »
    J’avais planté mon regard dans le sien en prononçant ces
mots, afin d’être sûr qu’il comprenne. Le recteur m’agrippa par le bras, pris
de panique. Je sentais son haleine chargée de bile.
    « Que dites-vous, Bruno ? Que quelqu’un a fait
entrer ce chien avant de fermer toutes les issues ?
    — Je ne vois pas d’autre explication »,
répondis-je en contemplant les crocs terrifiants de l’animal, sa langue molle
d’où pendaient des filets de bave.
    La flèche de Norris était toujours plantée dans son cou.
    « Quelqu’un qui savait que le docteur Mercer viendrait
ici à cette heure. Mais il ne se doutait assurément pas qu’il lui arriverait
quelque chose, sinon il serait venu armé. »
    Je me souvins alors de l’étrange remarque que Mercer avait
faite la veille, selon laquelle nous mènerions tous des vies différentes si
nous savions notre mort prochaine. Elle m’était sortie de la tête, mais
avait-il fait allusion au fait qu’il craignait pour ses jours ? Simple
coïncidence malheureuse, supposai-je. D’ailleurs, il avait l’air certain
d’assister à la disputation et d’avoir l’occasion de converser avec moi.
J’éprouvai subitement une profonde pitié. Je le connaissais à peine, mais il
m’avait fait l’effet d’un homme chaleureux et sincère, et je l’avais entendu mourir
quelques minutes plus tôt. Il aurait pu être sauvé si j’avais agi avec plus de
promptitude, si quelqu’un avait eu la clé, si Norris était arrivé plus vite
avec son arc. Un moment d’indécision scelle le sort d’un homme, me dis-je, et
je me rendis compte que je tremblais moi aussi.
    « Avait-il pour habitude de se promener aussi tôt le
matin dans le jardin ? demandai-je. Pouvait-on s’attendre à le trouver
là ?
    — Les professeurs viennent souvent lire dans le calme
du jardin. Mais pas à cette heure, je vous le certifie. Il fait trop sombre.
Les élèves se lèvent à cinq heures et demie et se préparent pour le service à
la chapelle, à six heures. L’office du matin est obligatoire. Le plus souvent,
il n’y a pas une âme dehors avant cela, pas même les domestiques des cuisines.
J’avoue que je ne suis jamais venu marcher dans le jardin à cette heure, je ne
pourrais donc dire si certains de mes collègues ont l’habitude de le
faire. »
    Je me penchai de nouveau sur le cadavre de Mercer et écartai
ses vêtements déchirés et gorgés de sang pour voir s’il portait sur lui quelque
chose susceptible d’expliquer sa présence dans le jardin. Tout à coup, je me
souvins qu’il avait plaisanté en disant que cet endroit était prisé pour les
rencontres amoureuses. Attendait-il quelqu’un qui n’était jamais venu, ou qui
était venu en apportant la mort ? Il n’avait pas de livre, mais un
renflement de son pourpoint indiquait la présence d’une poche secrète. En le
fouillant, je découvris une grosse bourse en cuir remplie de pièces qui s’entrechoquèrent
bruyamment.
    « S’il avait l’intention de faire une promenade
contemplative avant le lever du soleil, il n’aurait sans doute pas apporté ça
avec lui », dis-je en déliant la bourse et en montrant son contenu au
recteur.
    Je ne connaissais pas la valeur des pièces anglaises, mais
je constatai qu’il y en avait beaucoup et Underhill était visiblement
stupéfait.
    « Mon Dieu, il y a au moins dix livres là-dedans !
s’exclama-t-il. Pourquoi portait-il une telle somme sur

Weitere Kostenlose Bücher