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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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entrer, recteur. J’ai peur qu’il ne soit déjà
trop tard pour le pauvre hère qui est coincé à l’intérieur », insistai-je
en tendant la main afin qu’il me donne les clés.
    Le recteur jeta un regard paniqué alentour.
    « Mais… comment peut-il y avoir un chien dans le
jardin ?
    — N’avez-vous pas de chien de garde pour empêcher les
intrus d’entrer ? demandai-je, perplexe à mon tour. Se pourrait-il qu’un
voleur ait escaladé le mur ?
    — Mais il n’y a pas de chien de garde, répondit le
recteur en pleine panique. Le gardien a un chien, mais c’est une vieille
créature aveugle qui n’a plus que l’usage de trois pattes et dort dans sa loge,
près de l’entrée principale. Personne d’autre au collège n’a le droit d’avoir un
animal. »
    Il secoua la tête, incapable de trouver le moindre sens à ce
qu’il entendait. Dans le jardin, la bête recommença à aboyer.
    « Faites place », exigea une voix calme dans notre
dos.
    L’attroupement d’étudiants s’écarta pour laisser passer un
grand jeune homme. Les cheveux lui tombaient sur les épaules. Vêtu de façon
incongrue de braies et d’un pourpoint dont la soie noire fendue révélait une
doublure pourpre, le tout surmonté d’une fraise raffinée, il avait l’air de
revenir de quelque bal ou théâtre de Londres, le plus simplement du monde, au
lieu, comme nous autres, de s’être levé à la hâte. D’une main, il tenait un arc
droit anglais comme la noblesse en utilisait pour la chasse, plus grand que
lui-même et orné de riches incrustations. Dans l’autre pendait un carquois en
cuir décoré de plantes stylisées et de feuilles d’or.
    « Gabriel Norris ! s’exclama le recteur en fixant
l’arc. Qu’est-ce que…
    — Ouvrez la grille, recteur Underhill, lui ordonna le
jeune homme. Il n’y a pas un instant à perdre, la vie d’un homme est en
danger. »
    Malgré l’urgence de la situation, il s’exprimait d’une voix
mesurée, comme si, en cet instant, c’était lui et non le recteur qui détenait
l’autorité. Confus, Underhill ouvrit la grille et le jeune homme pénétra dans
le jardin en armant son arc. Je le suivis, hésitant, et le recteur m’emboîta le
pas en restant près du mur.
    Un épais brouillard flottait entre les troncs tordus des
pommiers, dont les formes mouvantes jouaient avec nos nerfs. Alors que
j’avançais prudemment parmi ces ombres bleuâtres, j’aperçus soudain dans le
coin nord-est la silhouette d’un chien aux pattes immenses, une sorte de
lévrier irlandais, à en juger par sa taille, bien que j’eusse le plus grand mal
à le voir en détail. Je restai moi aussi près du mur tandis que Gabriel, bien
visible à cause de ses vêtements, progressait à pas réguliers vers l’animal,
lequel grognait toujours et agitait dans sa gueule un objet noir et mou qu’il
tenait entre ses pattes. Je me rapprochai et, la brume me gênant moins,
distinguai mieux l’animal. Il avait le mufle barbouillé de sang et de morceaux
de chair. Mon cœur bondit dans ma poitrine quand je compris que nous arrivions
trop tard. Le jeune homme s’immobilisa à quelques pas du chien qui, flairant
une odeur ou l’entendant approcher, cessa de mâcher sa proie et leva la tête.
Son grondement s’arrêta net et il se prépara à s’élancer vers le jeune
homme : la flèche partit. C’était un bon tir, malgré les conditions, et
l’animal s’effondra au sol, la pointe fichée dans le cou.
    Dès qu’il fut tombé, Gabriel abandonna son arc et nous nous
précipitâmes tous les deux vers la forme recroquevillée contre le mur, à côté
du cadavre de l’animal. Un homme gisait, face contre terre, sa robe noire
étalée autour de lui. L’herbe était maculée par une grande flaque de sang.
J’aidai Gabriel à retourner l’homme et ne pus retenir un cri de surprise.
C’était Roger Mercer, la tête hideusement tordue, les yeux révulsés vers le
ciel, la gorge en lambeaux : un bout de peau pendouillait et les chairs
étaient à vif. Instinctivement, je portai la main à la plaie pour contenir
l’épanchement de sang sur son cou et son torse, mais il était trop tard. Ses
yeux ne bougeaient plus, figés en une expression de terreur. Gabriel Norris
s’écarta d’un bond du cadavre sanguinolent et vérifia, comme si c’était sa
seule inquiétude, que ses vêtements n’avaient pas été souillés : Petit
coq orgueilleux , pensai-je, puis je me souvins où j’avais entendu son

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