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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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vérifiai qu’il
n’y avait personne derrière les lourds rideaux tendus aux fenêtres ainsi que
sous le lit. Rassuré, je retournai dans la salle principale et refermai
doucement à clé derrière moi, afin d’examiner les lieux en paix.
    Où commencer dans un tel chaos ? L’étude était remplie
de meubles de tailles et de formes assorties, tous en chêne. Les chaises
avaient été renversées, un coffre traîné sur le sol et ouvert de force pour
mettre au jour une cachette de livres. L’énergie désespérée mise dans ces
recherches prouvait sans le moindre doute que la personne qui avait fouillé
pensait trouver quelque chose d’important parmi les possessions de Mercer. La
question restait de savoir si elle y était parvenue et, dans le cas contraire,
si je reconnaîtrais l’objet en tombant dessus.
    Je me tournai vers l’élégante table de travail jonchée de
papiers et de plumes. Un petit astrolabe en cuivre avait été renversé à terre
dans la précipitation. Je m’accroupis pour le ramasser et le reposer sur la
table, mais son socle était cassé. Je remarquai alors sous le bureau une forme
incurvée et sombre, insolite. Tendant le bras, je ramassai l’objet. Ce n’était
qu’une pelure d’orange, séchée depuis longtemps, que je rejetai par terre.
Soulevant un à un les documents disséminés sur la table, je les survolai d’un
œil. Examiner plus avant cette masse de feuilles à la recherche d’une lettre ou
de notes susceptibles de faire la lumière sur la mort de l’ancien occupant des
lieux aurait été un travail harassant. Tous les tiroirs du bureau étaient
tirés. Je plongeai les mains dans chacun d’eux et palpai les rebords inférieurs
à la recherche de quelque loquet ouvrant un compartiment secret, sans résultat.
J’en sortis le contenu déjà en désordre, mais je me sentais découragé par
l’ampleur de la tâche. Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’il me fallait
trouver.
    Dans le tiroir en haut à gauche, je mis la main sur un
dossier en cuir et sentis l’espoir naître en songeant que la correspondance la
plus récente s’y trouvait peut-être et que je pourrais y découvrir le nom des
gens avec qui il avait été en rapport ces derniers temps, ou la trace d’une
transaction qui expliquerait sa présence dans le jardin. Je fis de la place
pour le dossier et, quand je le posai, un petit livre relié en tissu en tomba.
Le ramassant, je l’ouvris au hasard et compris qu’il s’agissait d’un almanach
de l’année 1583, des divisions marquant les jours de chaque semaine ; le
haut de chaque page portait le nom du mois et les prédictions astrologiques
correspondantes. Mon pouls s’accéléra, je feuilletai le volume à la hâte à la
recherche de la date du jour, en me demandant si par chance il pouvait avoir
noté avec qui il avait rendez-vous ce matin-là.
    Tout en cherchant le 22 mai, je remarquai une
bizarrerie dans ce calendrier : chaque jour était indiqué par deux dates,
l’une imprimée en noir, l’autre écrite à la main en rouge. L’inscription en
rouge comptait dix jours d’avance sur la noire. Je réalisai immédiatement ce
que cela signifiait car mon hôte à Londres, l’ambassadeur français, possédait
des calendriers similaires : la date en rouge correspondait au nouveau
calendrier introduit en février de l’année précédente par le pape
Grégoire XIII, calendrier qui faisait désormais référence dans les
royaumes catholiques depuis la bulle pontificale Inter gravissimas. Il
n’avait pas été adopté par l’Angleterre et les autres pays protestants
d’Europe, en manière de défi à l’autorité papale, mais j’avais souvent entendu
l’ambassadeur se plaindre que cela rendait extrêmement confuse la
correspondance entre représentants des différents pays, personne ne pouvant
jamais être certain du calendrier auquel se référait son interlocuteur. En
général, il donnait les deux afin d’éviter les méprises. Mais pourquoi un
Anglais protestant comme Roger Mercer avait-il recours à un calendrier
grégorien ?
    Je trouvai la page que je cherchais et constatai avec
émotion qu’à la date du 22 mai (1 er  juin), il avait noté
l’heure et le lieu de ma disputation de son élégante écriture penchée :
« G. Bruno contre Underhill, Div. Sch. 5. » Puis, en
plissant les yeux, j’aperçus une autre inscription. Dans le coin en haut à
gauche se trouvait une lettre seule, « J ». Je fronçai les

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