Le prix de l'hérésie
sourcils,
perplexe. S’agissait-il de l’initiale de la personne qu’il pensait
retrouver ? C’était certainement un moyen de réduire les recherches. Je
compulsai les pages récentes en quête d’indices supplémentaires. La veille, le
21 (31), il n’y avait qu’un symbole curieux, un cercle avec des rayons, comme
une roue de chariot. En tournant les pages de l’almanach, je me rendis compte
que ce symbole apparaissait sur d’autres pages à intervalles réguliers, plus ou
moins tous les dix jours, mais jamais le même jour de la semaine. Si c’était un
code, je n’avais aucun moyen de le déchiffrer. Au moins, ce J ressemblait à un
élément concret.
En tenant le livre près de mon nez, j’avais remarqué autre
chose : une vague odeur d’orange. J’avais pensé au départ qu’elle
provenait de mes doigts, puisque j’avais ramassé la pelure par terre, mais je
me rendis compte que l’odeur venait de l’almanach lui-même. Peut-être cela
n’avait-il rien que de très normal. Si Roger Mercer aimait les oranges, du jus
avait pu couler sur les pages. Il n’était pas très soigneux quand il mangeait,
comme j’avais pu le remarquer la veille. Une idée me tracassait, cependant, et
en reniflant encore une fois le calendrier, je maudis ma stupidité.
À cet instant, la porte de l’armoire s’ouvrit légèrement, en
grinçant à cause de ses gonds usés, et je sursautai. Tout en dissimulant
instinctivement le livre sous ma chemise, que je rentrai dans mes chausses, je
fis volte-face. La porte semblait avoir bougé d’elle-même. Je l’ouvris en grand
et ne vis d’abord qu’un tas de vêtements dans lequel on avait visiblement
farfouillé, puis je distinguai une forme sombre et massive au fond, dissimulée
sous une couverture. Je tirai celle-ci et découvris un coffre en bois renforcé
de barres d’acier et fermé par un cadenas. Je voulus l’attirer à moi, mais il
glissa du rebord de l’armoire et s’écrasa avec fracas sur le sol. Je me
redressai en bloquant ma respiration, craignant que le bruit n’ait signalé à
quelqu’un ma présence dans la pièce. Tout était silencieux. Quand le coffre
était tombé, j’avais reconnu le tintement métallique de pièces à l’intérieur.
Ainsi donc, c’était le magot de Mercer. Il ne s’était pas donné beaucoup de
peine pour le cacher, et pourtant celui qui avait dévasté sa chambre n’y avait
pas touché.
Cela allait dans le même sens que la bourse laissée sur son
cadavre. Il semblait clair que celui qui l’avait tué n’était pas intéressé par
l’argent. Mais à part l’argent, quel motif pousse un homme au meurtre ? La
vengeance, ou bien la peur que sa victime ne puisse lui nuire. Je décidai que
j’irais rencontrer le gardien, Cobbett, afin qu’il me parle des portails et des
clés du collège. On était entré dans cette chambre sans avoir à forcer la
porte.
Au moment même où je m’agenouillais devant le coffre, j’entendis
la serrure tourner derrière moi et mon cœur s’emballa. Je n’avais pas le temps
de me cacher. Impuissant, je regardai la porte s’entrouvrir juste assez pour
laisser passer Walter Slythurst, le trésorier. Il balaya lentement du regard le
chaos qui régnait dans la pièce avant que ses yeux ne se posent sur moi avec
stupeur. Il lui fallut un instant avant d’enregistrer la réalité de ma
présence, puis un petit cri lui échappa et il me fixa comme si j’étais une
apparition.
« Dieu tout-puissant ! s’exclama-t-il. Vous
ici ! Par quel… »
Il allait me falloir déployer des trésors d’inventions pour
expliquer pourquoi j’étais enfermé à clé dans la chambre retournée de fond en
comble d’un homme mort deux heures plus tôt, et pourquoi j’avais son coffre
contre mon haut-de-chausses ensanglanté. Je pris une profonde inspiration et
affectai la nonchalance.
« Buongiorno, maître Slythurst. »
Le visage dur et anguleux de Slythurst semblait davantage
fait pour exprimer le cynisme méprisant que la surprise muette, mais il paraissait
décontenancé au point d’en perdre pratiquement l’usage de la parole.
« Qu’est-ce… Que se passe-t-il ici ?
— J’assiste le recteur », expliquai-je en
exagérant mon accent.
Je le savais d’expérience, il constituait une excuse très
efficace à l’excentricité. Les gens la mettaient sur le compte de la bizarrerie
des étrangers.
« J’étais avec lui ce matin, nous sommes arrivés les
premiers sur la
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