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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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de
l’intérêt pour une femme dont la conversation se limite aux commérages de la
Cour et aux toilettes. Je tolère mal la stupidité. »
    Elle se redressa et me scruta avec curiosité.
    « Ce qui signifie que vous appréciez chez une femme la
capacité à former ses propres opinions et à les exprimer ?
    — Bien entendu, tant qu’elles ne s’appuient pas sur du
vent. Sinon, elle ne vaut guère mieux qu’un élément ornemental, si ravissante
soit-elle. Mieux vaut acheter un tableau quand on veut admirer un bel objet
dans sa demeure. »
    Sophia sourit et secoua la tête.
    « Vous n’êtes pas comme les Anglais, Bruno. Mais je
l’ai vu dès notre première rencontre. Mon père m’assure qu’aucun homme ne
recherche l’intelligence chez une femme. D’après lui, si je veux un époux, je
ferais mieux d’afficher un joli sourire et de garder mes pensées pour moi.
    — Dans ce cas, sa compréhension des hommes est tout
aussi fausse que sa cosmologie. »
    Elle éclata d’un rire sans joie.
    « Et votre innamorato  ? demandai-je. Que
veut-il ? » Comme elle ne répondait pas, j’insistai :
« Parce que je ne peux pas croire qu’une jeune femme aussi favorisée par
la nature ait besoin de recourir à la magie pour s’attirer l’affection d’un
homme. Avec tout mon respect, il est soit aveugle, soit idiot.
    — Il n’y a pas d ’innamorato, me coupa-t-elle en
se détournant. Ne vous moquez pas de moi, Bruno. Je croyais que vous étiez
différent.
    — Pardonnez-moi. »
    Je me versai une autre mesure de vin et me rassis en
réprimant un sourire. Elle ne se confierait pas à moi avant d’y être prête,
pensai-je. Un grand silence se fit, troublé seulement par le crépitement des
bûches et le rythme apaisant des flammes.
    « Pour répondre à votre question, finis-je par dire en
comprenant qu’elle ne reprendrait pas la parole, Agrippa a tiré sa connaissance
de la magie d’un manuscrit antique connu en Occident sous le nom de Picatrix. Son véritable nom est le Ghâyat al-hakîm, le But du Sage. Il a été
transcrit par les Arabes de Harran il y a quatre cents ans. En réalité, c’est
une traduction d’une œuvre bien plus ancienne, qui date d’avant le déclin de
l’Égypte, et qu’on croit inspirée d’Hermès Trismégiste lui-même. »
    Je marquai une pause pour boire une gorgée de vin, certain
d’avoir de nouveau toute son attention. Elle me fixait, captivée, les mains en
coupe sous son menton.
    « Ce livre est interdit par l’Église de Rome et n’a
jamais été imprimé, ce serait trop dangereux de s’y risquer, mais il a été
traduit en castillan sur ordre du roi Alphonse le Savant, puis en latin. Il y a
donc eu pendant quelques années un petit nombre de copies manuscrites en
circulation. L’une d’entre elles est parvenue en secret à Paris, à la demande
du roi Henri, il y a dix ans. Il a la lubie de collectionner des opuscules tous
plus obscurs les uns que les autres, mais il ne sait pas quoi en faire une fois
qu’il les a entre les mains.
    — L’avez-vous lu ? demanda-t-elle dans un souffle.
    — Sa Majesté a fini par me permettre de voir le manuscrit
après que je lui eus solennellement juré de n’en copier aucun extrait.
Apparemment, il avait oublié que je suis l’un des plus grands praticiens en
Occident de l’art de la mémoire. »
    Je m’autorisai un sourire modeste, que Sophia ignora.
    « Que contient ce Picatrix  ?
    — C’est un manuel de magie astrale, un traité qui
enseigne comment tirer parti des forces qui meuvent les étoiles et les planètes
au moyen de talismans et d’images. »
    Je baissai la voix et vérifiai que la porte était bien
fermée.
    « Le principe en est que toute la matière au sein de
l’univers est liée, si diverse et infinie qu’elle paraisse. Elle émane d’une
Unité et est animée par une Divinité. Certaines connaissances permettraient
donc à l’homme de créer des relations entre les éléments du monde naturel et
les puissances célestes auxquelles elles correspondent. »
    Sophia fronça les sourcils.
    « Mais comment est-ce possible ?
    — Vous êtes déterminée à le savoir, répondis-je en
souriant. Eh bien, par exemple, supposons que vous vouliez vous attirer les
faveurs de quelqu’un. »
    J’observai sa réaction ; ses joues rougirent légèrement
et ses lèvres s’entrouvrirent, mais elle soutint mon regard.
    « Il vous faudra capturer la puissance de la planète
Vénus.

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