Le prix de l'indépendance
Brianna et Joe Abernathy, le médecin et vieil ami de Claire avant qu’elle ne parte rejoindre Jamie :
« On ne peut pas interrompre et reprendre une carrière universitaire comme ça. D’accord, on peut prendre un congé sabbatique, voire un congé prolongé, mais il faut avoir un objectif déclaré et pouvoir présenter des recherches publiées à son retour.
— Tu as de quoi écrire un best-seller sur la Régulation, avait observé Joe Abernathy. Ou encore sur la Révolution dans les Etats du Sud.
— Certes, avait admis Roger, mais pas un ouvrage respectable d’universitaire. »
Il avait souri amèrement, sentant ses doigts le démanger. Effectivement, il pourrait écrire un livre que personne d’autre ne pouvait écrire. Mais pas en tant qu’historien.
Il avait indiqué du menton la bibliothèque de Joe. Ils se trouvaient dans le bureau de ce dernier, tenant le premier d’une longue série de conseils de guerre.
« Pas de sources, avait-il expliqué. Un historien doit pouvoir citer les sources de toutes les informations qu’il donne et je suis sûr que rien n’a été enregistré sur la plupart des situations uniques que j’ai vécues. Je peux vous assurer que “témoignage oculaire de l’auteur” passerait très mal dans une édition universitaire. Il faudrait que j’en fasse un roman. »
Cette idée n’était pas sans attrait mais n’impressionnerait guère les collèges d’Oxford.
En Ecosse, toutefois…
On ne débarquait pas dans les Highlands sans se faire remarquer. Cependant, Roger n’était pas un nouveau venu. Il avait grandi dans un presbytère à Inverness où beaucoup de gens l’avaient connu adulte. En outre, il revenait avec une épouse américaine et des enfants pour justifier son absence…
« … Les gens là-bas se fichent pas mal de ce que vous avez fait ailleurs. Ils ne s’intéressent qu’à ce que vous faites quand vous êtes au pays. »
Il avait atteint le groupe d’îlots sur le Ness. Situé à quelques mètres seulement de la berge, il avait été aménagé en un petit parc tranquille avec des allées en terre battue, de grands arbres. Il était peu fréquenté. Roger se promena sur les sentiers, essayant de se vider la tête et de la remplir du clapotis de l’eau, du calme, du ciel bas et gris.
Une fois arrivé au bout du parc, il se tint immobile un instant, fixant distraitement les débris pris dans les branches des buissons au bord de l’eau : des amas de feuilles mortes, des plumes d’oiseaux, des squelettes de poisson, un paquet de cigarettes vide, le tout déposé par le courant.
Naturellement, il n’avait pensé qu’à lui, à ce qu’ il ferait, à ce que les gens penseraient de lui . Pourquoi ne s’était-il pas interrogé sur ce que ferait Brianna s’ils s’installaient en Ecosse ?
Avec le recul, la réponse sautait aux yeux. A Fraser’s Ridge, Bree avait mené l’existence normale d’une femme du XVIII e siècle dans les colonies, se distinguant, on ne pouvait lenier, par le fait que, telle une Diane chasseresse, elle ramenait à la maison les buffles et les dindons sauvages qu’elle avait abattus, quand elle ne trucidait pas des pirates. En dehors de cela, elle s’occupait de sa progéniture, la nourrissait, l’habillait, la réconfortait, donnait parfois la fessée. Avec Mandy souffrante et la perte de ses parents, l’idée de retravailler avait été rangée au placard. Rien n’aurait pu la séparer de sa fille.
Mais Mandy était sauvée et d’une bonne santé terrifiante, comme en attestait l’étendue des dégâts qu’elle laissait dans son sillage. Ils avaient accompli la tâche complexe consistant à renouer avec leur identité du XX e siècle, avaient racheté Lallybroch à la banque qui en était propriétaire, achevé leur emménagement en Ecosse. Jemmy allait à l’école dans le village voisin et une jeune fille du même village avait été recrutée pour faire le ménage et aider à veiller sur Mandy.
A présent, Brianna allait reprendre sa vie professionnelle.
Et Roger pouvait aller au diable.
Brianna ne pouvait nier qu’elle avait été prévenue. Elle mettait le pied dans un monde exclusivement masculin.
L’entreprise avait été colossale et le travail très rude, un des plus pénibles qui soient : creuser les tunnels par lesquels passaient les kilomètres de câbles reliant les turbines de centrales hydroélectriques. On avait surnommé les hommes chargés des excavations « les tigres de
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