Le prix de l'indépendance
remerciait de ma compagnie et de mon aide précieuse et que je devais rester ici en attendant son retour ou de nouveaux ordres.
La couche de neige est importante et ce n’est rien par rapport à ce qui nous attend sous peu. Pour qu’un homme s’aventure sur les routes, il faut effectivement que ses affaires soient très urgentes. Naturellement, je suis assez perturbé par le brusque départ du capitaine, intrigué par ce qui a pu le motiver et inquiet pour son bien-être. Néanmoins, la situation ne me paraît pas justifier que j’enfreigne mes ordres et donc… j’attends.
11 h 30. J’ai cessé d’écrire un moment pour aller admirer le ciel. Les aurores boréales se produisent par intermittence et je crois que le spectacle est terminé pour cette nuit. Le ciel est noir ; les étoiles brillantes mais petites comparées aux voiles lumineux de tout à l’heure. Il y a un grand vide dans le ciel comme on en voit rarement en ville. En dépit des cloches, des feux de joie sur la place et des chants, (il y a une sorte de procession en ce moment), je sens le grand silence au-delà.
Les sœurs sont en train d’entrer dans leur chapelle. En me penchant par la fenêtre, je viens de les apercevoir, hâtant le pas deuxpar deux sous le halo de leurs torches, se fondant dans la nuit avec leurs robes et leurs manteaux noirs (J’écris depuis un certain temps déjà ; pardonne les errements de mon cerveau fatigué).
C’est le premier Noël que je passe loin de chez moi et de ma famille. Le premier d’une longue série, sans doute.
Je pense souvent à toi, cher père. J’espère que tu vas bien et que tu te prépares à déguster une oie rôtie demain avec grand-mère et sir George. Transmets-leur, je te prie, toute mon affection ainsi qu’à oncle Hal et à sa famille (sans oublier ma chère Dottie, naturellement).
Un très joyeux Noël de ton fils,
William
P.-S. : 2 heures du matin. J’ai fini par descendre à la chapelle et me suis tenu au fond. La cérémonie était un peu pompeuse, avec beaucoup d’encens, mais j’ai dit une prière pour mère Geneva et maman Isobel. En ressortant, j’ai constaté que les lumières étaient réapparues. A présent, elles sont bleues.
25
Maudit océan
15 mai 1777
Mes très chers,
Je hais les bateaux. Je les méprise du plus profond de mon âme. Pourtant, je me trouve une fois de plus lancé sur la surface de ce maudit océan, à bord d’un navire baptisé The Tranquil Teal 6 , un nom absurde s’il en est qui en dit long sur la fantaisie macabre de son capitaine. Ce dernier est un contrebandier métis à la mine maléfique et à l’humour exécrable qui m’a annoncé sans sourciller s’appeler Trustworthy Roberts 7 .
S’interrompant pour tremper sa plume dans l’encrier, Jamie lança un regard vers la côte de Caroline du Nord qui s’éloignait, s’élevant et retombant à un rythme écœurant. Il reporta aussitôt son attention sur la page. Il l’avait punaisée sur son écritoire afin qu’elle ne soit pas emportée par le vent frais qui gonflait les voiles au-dessus de sa tête.
Nous sommes tous en bonne santé , écrivit-il lentement, faisant abstraction de son mal de mer sur lequel il n’avait pas l’intention de s’épancher. Devait-il leur parler de Fergus ?
— Tu vas bien ?
Claire était penchée vers lui avec cet air de curiosité intense mais prudente qu’elle réservait aux patients susceptibles de rendre tripes et boyaux, de pisser le sang ou de passer l’arme à gauche d’un instant à l’autre. Il avait déjà eu droit aux deux premiers quand elle avait accidentellement planté une de ses aiguilles dans un vaisseau sanguin de son cuir chevelu. Il espérait qu’elle n’était pas en train de déceler les signes annonciateurs de sa mort prématurée.
— Ça peut aller.
Il ne voulait même pas penser à son ventre de peur de le provoquer et changea rapidement de sujet.
— Dois-je parler de Fergus à Brianna et Roger Mac ?
Elle lui adressa un sourire narquois.
— Ça dépend. Il te reste beaucoup d’encre ? Oui, naturellement que tu devrais. Ça les passionnera et ça te fera penser à autre chose.
Elle le dévisagea en plissant les yeux puis ajouta :
— Tu es encore un peu verdâtre.
— Merci.
Elle éclata du rire indifférent de ceux qui ont le pied marin, déposa un baiser sur son crâne (en évitant soigneusement les quatre aiguilles qui pointaient sur son front), puis s’approcha du bastingage pour contempler le
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