Le prix de l'indépendance
D’autres encore, il les avait exhumés des caisses que le révérend avait laissées derrière lui. Le garage du vieux presbytère en avait été rempli. Brianna et lui n’en avaient encore examiné qu’une infime partie. C’était un pur miracle qu’ils soient tombés si vite sur le coffret contenant les lettres.
Il leva les yeux vers ce dernier, tenté. Il ne pouvait les lire sans Bree, ce n’aurait pas été correct. Mais les deux livres ? Ils les avaient feuilletés rapidement après les avoir découverts mais ils avaient été plus intéressés par les lettres afin de savoir ce qui était arrivé à Claire et Jamie. Avec l’impression d’être Jem s’éclipsant avec un paquet de biscuits au chocolat, il descendit la boîte de son étagère. Elle était très lourde. Il la posa sur le bureau, il l’ouvrit et écarta précautionneusement les lettres.
Les livres étaient petits. Le plus grand était ce qu’on appelait un in-octavo couronne, d’environ treize centimètres sur dix-huit. C’était un format courant à une époque où le papier était cher et rare. Le plus petit était un in-seize, de dix centimètres sur treize. Roger sourit en songeant à Ian Murray. Brianna lui avait raconté la réaction scandalisée de son cousin quand ellelui avait décrit le papier hygiénique. Que l’on puisse se torcher avec lui avait paru être le comble du gaspillage.
Le petit livre était soigneusement relié en vachette bleue ; la tranche en était dorée. C’était un bel objet, cher. Il s’intitulait Principes sanitaires de poche , par C. E. B. F. Fraser. Une édition limitée imprimée par A. Bell, Edimbourg .
Un petit frisson le parcourut. Ils étaient donc bien arrivés en Ecosse, grâce aux bons soins du capitaine Trustworthy Roberts. Néanmoins, l’universitaire en lui le mit en garde : ce n’était pas une preuve. Le manuscrit avait pu atterrir en Ecosse sans que son auteur l’apporte en personne.
Etaient-ils venus à Lallybroch ? Il regarda autour de lui les murs défraîchis et les meubles patinés par le temps. Il imaginait sans peine Jamie assis derrière le grand bureau près de la fenêtre, examinant les registres de la ferme avec son beau-frère. Si la cuisine était le cœur de la maison, cette pièce était son cerveau.
Il ouvrit le livre et manqua de s’étrangler. Le frontispice était orné d’une gravure représentant l’auteur. Un homme de science, portant un collet, une veste noire et une haute cravate au-dessus de laquelle le regardait sereinement le visage de sa belle-mère.
Il rit si fort qu’Annie Mac sortit de la cuisine et vint jeter un œil, inquiète à l’idée qu’il se trouve mal. Il lui fit signe que tout allait bien puis ferma la porte de son bureau.
C’était bien elle. Les yeux écartés sous des sourcils bruns, les courbes gracieuses et fermes des pommettes, des tempes et de la mâchoire. L’auteur de la gravure n’avait pas su rendre sa bouche. C’était aussi bien. Aucun homme n’avait des lèvres comme les siennes.
Quel âge ? Il vérifia la date d’impression : MDCCLXXVIII. 1778. Pas tellement plus âgée que la dernière fois qu’il l’avait vue. Elle paraissait toujours bien plus jeune qu’elle ne l’était en réalité.
Y avait-il un portrait de Jamie dans l’autre… ? Il saisit le premier livre et l’ouvrit. Effectivement, il comportait une autre gravure, quoique d’une facture moins raffinée. Son beau-père était assis dans une bergère, un plaid drapé sur le dossier, ses cheveux retenus dans la nuque, un livre ouvert sur un genou.Il faisait la lecture à un petit enfant assis sur l’autre genou. C’était une fillette aux cheveux noirs et bouclés. Elle tournait le dos, absorbée par le récit. Naturellement, le graveur ne pouvait pas savoir à quoi Mandy ressemblerait.
L’ouvrage s’intitulait Contes de grand-père et portait le sous-titre « Histoires des Highlands et de l’arrière-pays de la Caroline du Nord », par James Alexander Malcom MacKenzie Fraser . Il avait également été imprimé par A. Bell, Edimbourg la même année. La dédicace disait simplement A mes petits-enfants .
Le portrait de Claire l’avait fait rire, celui-ci l’émut presque aux larmes. Il referma doucement le livre.
Quelle foi avait dû les animer pour créer, amasser, transmettre ces documents fragiles à travers les ans, dans le seul espoir qu’ils résisteraient au passage du temps et atteindraient un jour ceux à qui ils
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