Le prix de l'indépendance
jacobite et avant d’être emprisonné à Ardsmuir. Roger y était descendu un jour, quand ils avaient acheté la maison. Dans le petit réduit fétide suintant d’humidité, il avait compris pourquoi Jamie Fraser avait choisi de vivre en pleine nature, perdu au milieu de montagnes lointaines.
Des années de fuite, de privations, d’emprisonnement… Jamie Fraser n’était pas un politique et il connaissait mieux que personne le véritable coût de la guerre, quel que soit ce qui la motivait. Pourtant, Roger avait vu son beau-père se masser de temps à autre les poignets d’un air absent. Les marques de fers avaient disparu depuis longtemps mais le souvenir de leur poids était tenace. Roger ne doutait pas que Jamie Fraser aurait préféré mourir plutôt que de perdre sa liberté. En cet instant, il aurait tout donné pour être avec lui et se battre à ses côtés.
La pluie était arrivée. Il l’entendit d’abord crépiter sur les ardoises des dépendances puis se déverser dans toute sa fureur, enveloppant la maison dans un cocon de brume et d’eau.
— Pour nous… et la postérité, dit-il doucement à voix haute.
C’était un marché conclu entre hommes… tacite mais parfaitement entendu. Rien d’autre n’importait que la préservation de la famille et la protection des enfants. Quel que soitle prix qu’il faudrait payer pour cela – sang, sueur ou âme –, il serait payé.
— Oidche mhath , dit-il encore en direction du trou du curé.
« Bonne nuit ».
Il resta encore un moment dans la cuisine, percevant l’étreinte de la demeure qui les protégeait de l’orage. Cette pièce avait toujours été le cœur de la maison et il trouvait la chaleur de la cuisinière aussi réconfortante que l’avait été autrefois celle de la grande cheminée à présent inutilisée.
Il retrouva Brianna au pied de l’escalier. Elle s’était changée pour la nuit. Il faisait toujours frais dans les pièces et la pluie avait encore fait chuter la température de quelques degrés. Pourtant, au lieu de son pyjama habituel, elle avait enfilé une fine chemise de nuit blanche faussement innocente, avec un petit entrelacs en ruban rouge. Le coton léger épousait la forme de ses seins, semblable à un nuage sur le pic d’une montagne.
Il le lui dit et elle éclata de rire, mais ne souleva pas d’objection quand il y posa les mains. Ses mamelons contre ses paumes étaient ronds comme des galets.
Elle passa la langue sur ses lèvres et chuchota :
— On monte dans la chambre ?
Il l’embrassa goulûment.
— Non, dans la cuisine. On ne l’a pas encore fait là-bas.
Il la prit sur le vieux plan de travail aux taches mystérieuses, leurs halètements ponctués par le gémissement du vent et de la pluie contre les volets en bois. Il la sentit frémir des pieds à la tête et se liquéfier puis s’abandonna à son tour, les genoux tremblants. Il se laissa lentement tomber en avant à côté d’elle, s’accrochant à ses épaules, le visage enfoui dans sa chevelure qui sentait bon le shampooing. La dalle de granit était lisse et fraîche contre sa joue. Son cœur battait avec force et lenteur, régulier comme un rythme de grosse caisse.
Il était nu. Un courant d’air glacé venu de nulle part hérissa les poils de ses jambes et de son torse. Brianna le sentit frissonner.
— Tu as froid ? murmura-t-elle.
Elle, en revanche, irradiait comme de la braise. Il n’avait plus qu’une envie, se lover contre elle dans leur lit et écouter passer l’orage dans une douce étreinte.
— Ça va. On monte se coucher ?
A l’étage, le bruit de la pluie était plus net. Tandis qu’ils grimpaient les marches, Brianna fredonnait :
— Deux par deux les animaux montaient à bord, les éléphants et les alligators…
Roger sourit. Effectivement, la maison pouvait faire penser à l’arche de Noé, flottant sur une houle rugissante alors que tout à l’intérieur était douillet. Deux par deux… deux parents, deux enfants… peut-être plus, un jour. Après tout, ce n’était pas la place qui manquait.
Une fois la lumière éteinte, Roger oscilla à la lisière du sommeil, bercé par la pluie, s’accrochant au plaisir du moment. Le corps de Brianna contre le sien était doux et chaud. Elle chuchota :
— On ne lui demandera pas, n’est-ce pas ? A Jem ?
— Hein ? Ah, non ! Bien sûr que non. Ce n’est pas nécessaire.
Néanmoins, sa curiosité était piquée. Qui était l’Espagnol ? En outre,
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