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Le prix de l'indépendance

Titel: Le prix de l'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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son miroir et son valet lui assuraient qu’il était encore présentable, il avait au moins vingt ans de trop pour plaire au secrétaire d’Etat, qui aimait la chair fraîche.
    Le jeune clerc qui l’avait fait entrer, avec ses longs cils noirs et une moue boudeuse, correspondait davantage aux goûts de lord Germain. Grey lui accorda à peine un regard, plus porté qu’il était sur les physiques virils.
    Il n’était pas tôt (connaissant les habitudes de Germain, il avait attendu treize heures pour se présenter) mais son hôte portait encore les traces d’une nuit agitée. De profonds cernes bleus soulignaient des yeux qui semblaient vouloir jaillir de leur orbite. Ils le dévisageaient avec un manque d’enthousiasme évident. Néanmoins, Germain fit l’effort d’être courtois. Il invita Grey à s’asseoir et pria le clerc aux yeux de biche de leur apporter du cognac et des biscuits.
    Grey buvait rarement des alcools forts avant la tombée du soir. Il goûta donc du bout des lèvres au cognac, par ailleurs excellent, tandis que Germain plongeait dans son verre le fameux nez des Sackville (proéminent et aussi tranchant qu’uncoupe-papier), inhalait profondément, le vidait d’un trait puis s’en servait un autre. Le breuvage sembla avoir un effet salutaire car, après le second verre, il parut plus épanoui et demanda à Grey des nouvelles de sa santé.
    — Je vais très bien, merci, répondit poliment Grey. Je viens de rentrer des Amériques et des relations communes m’ont confié des lettres pour vous.
    Le visage de Germain s’illumina quelque peu.
    — Vraiment ? Comme c’est aimable de votre part. La traversée fut supportable ?
    — A peine.
    A dire vrai, elle avait été épouvantable. Ils avaient essuyé une succession de tempêtes au milieu de l’Atlantique. Le navire n’avait cessé de rouler et de tanguer durant des jours au point que Grey avait prié qu’il coule une fois pour toutes et mette un terme à ses souffrances. Mais il n’était pas venu jusque chez Germain pour perdre du temps en trivialités.
    Jugeant que son hôte était à présent suffisamment alerte pour l’écouter, il commença :
    — Juste avant de quitter la Caroline du Nord, j’ai fait une rencontre assez étrange. Permettez-moi de vous la raconter.
    Germain était vaniteux et mesquin, savait manier la langue de bois comme personne mais il était capable de se concentrer sur un sujet quand il le voulait, à savoir quand il percevait qu’une situation pouvait tourner à son avantage. L’allusion au Territoire Nord-Ouest retint immédiatement son attention.
    Tout en reposant sur le guéridon son troisième verre de cognac à moitié vide, il demanda :
    — Vous n’avez plus reparlé à ce Beauchamp depuis ?
    — Non. Il avait délivré son message. Poursuivre cette conversation n’avait pas d’intérêt dans la mesure où il ressortait clairement qu’il n’avait pas le pouvoir d’agir. En outre, s’il avait souhaité divulguer le nom de ses commettants, il l’aurait fait.
    Germain reprit son verre mais se contenta de le tourner dans ses mains comme pour s’aider à réfléchir. Le verre était souillé de traces de doigts et d’empreintes de lèvres.
    — Connaissiez-vous déjà cet homme ? Pourquoi s’est-il adressé à vous plutôt qu’à un autre ?
    Non, il est tout sauf idiot, pensa Grey.
    — Nous nous étions rencontrés il y a de cela des années. Dans le cadre de mon travail avec le colonel Bowles.
    Pour rien au monde il n’aurait révélé à Germain la véritable identité de Percy. Ce dernier avait été – et était toujours – leur frère par alliance, à Hal et lui. Seules la chance et la détermination de Grey avaient évité un énorme scandale à l’époque où Percy avait été surpris en flagrant délit de sodomie. Certains scandales s’estompaient avec le temps… pas celui-ci.
    Les sourcils épilés de Germain se haussèrent à la mention de Bowles. Ce dernier avait dirigé la Chambre noire d’Angleterre pendant de longues années.
    — Un espion ? demanda-t-il sur un ton légèrement dégoûté.
    L’espionnage était une vile nécessité ; un gentleman n’y aurait jamais touché à mains nues.
    — Il l’a probablement été autrefois. Il semblerait qu’il se soit élevé dans le monde.
    Grey saisit son verre et but une grande gorgée. C’était vraiment un excellent cognac. Puis il le posa et se leva pour prendre congé. Il était inutile de chercher à sonder le

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