Le quatrième cavalier
erreur.
Au cours de l’hiver, alors que j’étais retenu en otage à
Werham auprès de Guthrum, avait été édictée dans le Wessex une nouvelle loi
disant que seuls les gardes royaux pouvaient tirer leur épée en présence du roi.
C’était pour protéger Alfred, mais aussi pour empêcher que les querelles entre
ses vassaux ne dégénèrent. En dégainant Souffle-de-Serpent, j’avais sans le
savoir enfreint cette loi. Les gardes du roi se précipitèrent sur moi en
brandissant lances et épées, quand Alfred, vêtu de sa cape rouge et tête nue, d’un
signe arrêta tout le monde.
Il s’approcha de moi et je vis la colère envahir son visage
étroit, au long nez et aux lèvres minces. Habituellement, il était glabre, mais
il avait laissé pousser une courte barbe qui le vieillissait. À peine âgé de
trente ans, il en paraissait à présent presque quarante. Il était d’une
maigreur effrayante, et ses fréquentes maladies lui donnaient un air renfrogné.
Il ressemblait moins au roi des Saxons qu’à un prêtre, car il avait le visage
blême et agacé de celui qui passe trop de temps loin du soleil, penché sur des
livres, mais on lisait une indiscutable autorité dans ses yeux impitoyables, gris
comme l’acier.
Je rengainai Souffle-de-Serpent, car Beocca me répétait en
murmurant de cesser de me conduire en sot.
— Il devrait être châtié, lança Ælswith, l’épouse d’Alfred,
en posant sur moi un regard empli de mépris.
— Va, dit le roi en désignant l’une de ses tentes. Et
attends mon jugement.
Je n’avais d’autre choix que d’obéir, car sa garde, casquée
et revêtue de cottes de mailles, m’entourait. L’air sentait l’herbe sèche et écrasée.
La pluie criblait la toile et des gouttes tombaient sur un autel portant un
crucifix et deux chandeliers vides. C’était d’évidence la chapelle personnelle
du roi, et j’y attendis fort longtemps. La congrégation se dispersa, la pluie
cessa et un soleil humide apparut entre les nuages. J’entendais jouer une harpe,
sans doute pour distraire Alfred et son épouse durant leur déjeuner. Un chien
entra dans la tente, me regarda et pissa contre l’autel avant de ressortir. Le
soleil avait disparu et la pluie tombait de nouveau quand deux hommes entrèrent.
L’un était Æthelwold, neveu du roi et héritier du trône de Wessex, qui avait
été jugé trop jeune et dont la couronne avait été donnée à son oncle. Il me fit
un sourire penaud et s’effaça devant l’autre, un gaillard barbu de dix ans son
aîné. En guise de salut, l’homme éternua et se moucha dans ses doigts, qu’il essuya
sur sa cotte de cuir.
— Parlez-moi d’un printemps, grommela-t-il en posant
sur moi un regard féroce. Cette damnée pluie ne cesse jamais. Sais-tu qui je
suis ?
— Wulfhere, ealdorman de Wiltunscir, répondis-je.
C’était un cousin du roi et l’un des plus puissants
seigneurs de Wessex.
— Et tu sais qui est ce sot ? demanda-t-il en
désignant Æthelwold, qui portait un ballot de linge blanc.
— Nous nous connaissons.
Æthelwold n’était que d’un mois mon cadet et il avait la
chance que son oncle Alfred soit un bon chrétien, sans quoi il aurait été
égorgé depuis longtemps. Il avait bien plus d’allure qu’Alfred, mais il était
étourdi, désinvolte et souvent ivre, même s’il semblait sobre en ce dimanche
matin.
— C’est moi qui m’occupe de lui désormais, dit Wulfhere.
Et de toi. Et le roi m’a envoyé te punir. Son épouse demande que je t’arrache
les tripes et que je les jette aux porcs, continua-t-il avec un regard noir. Sais-tu
quel est le châtiment de quiconque dégaine son épée en présence du roi ?
— Une amende ?
— La mort, jeune sot, la mort. La loi a été promulguée
le mois dernier.
— Comment pouvais-je le savoir ?
— Alfred est miséricordieux, poursuivit-il sans répondre.
Tu ne connaîtras donc point le gibet. Du moins pas aujourd’hui. Mais il veut
que tu jures de respecter la paix.
— Quelle paix ?
— La sienne, jeune sot. Il veut que nous combattions
les Danes, et non point que nous nous égorgions entre nous. Aussi, pour l’heure,
tu devras jurer de respecter la paix.
— Pour l’heure ?
— Pour l’heure, répéta-t-il sans s’émouvoir. (Je
haussai les épaules et il en conclut que j’acceptais.) Alors, qui a occis Ubba ?
— C’est moi.
— C’est ce qu’il me semblait. Connais-tu Edor ?
— Certes.
Edor était l’un
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