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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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éprise d’elle que d’Henri. Elle ne le criait que le visage étouffé par l’oreiller tandis qu’Aliénor la butinait jusqu’à la jouissance, allant ensuite parfois jusqu’à lui bander les yeux et la faire prendre par un valet qu’elle avait soudoyé. Révélée sous toutes les facettes de sa sensualité par ces jeux qu’Henri n’aurait pas même osé imaginer, Rosamund s’était perdue très vite et, contre toute attente, redoutait bien plus le départ de la reine que le retour de son aimé. Elle était pourtant fort loin d’imaginer à quel point Aliénor intriguait.

46
     
     
    L a porte du cabinet se referma sur Patrick de Salisbury, et Aliénor se détourna de la fenêtre depuis laquelle elle s’amusait du nouveau jeu des garçons. Perdre quelques servantes dans le labyrinthe pour ensuite les chatouiller. Seul Richard, trop jeune sans doute, refusait de participer. Ils ignoraient que, du sommet de cette tour, conçue justement pour observer les jardins, Aliénor se réjouissait de leur tempérament amoureux ou guerrier. Elle pivota vers l’espion de son époux et lui tendit un courrier. Salisbury put aussitôt juger que le cachet avait été brisé.
    — N’y voyez aucune malice de ma part, mon cher, mais l’étourderie d’un valet qui, au vu du sceau royal, me rapporta ce bref d’emblée. J’avoue ne pas en avoir vérifié moi-même le destinataire…
    Convaincu du mensonge, il hocha pourtant la tête, partagé entre l’envie de lire sur place et celle de prendre congé. Aliénor ne lui accorda pas le temps de trancher. Elle soupira.
    — Votre fidélité à mon époux vous honore, et je suis bien aise qu’il fasse encore si grand cas de moi qu’il vous assigne à me surveiller.
    — Dans l’unique dessein de votre sécurité, Majesté.
    Elle lui sourit, une pointe de cynisme dans le regard.
    — Vous devriez glisser un œil sur ses déliés, comte.
    Elle insista d’un geste gracieux de la main. Il déroula le parchemin, inquiet.
    «  Vos remarques quant au rapprochement amical de mes dames, ainsi que vous les nommez, m’alertent davantage qu’elles ne me rassurent. J’en veux connaître l’exacte teneur. Et si, d’alcôve et de frisson, elles vous laissent suffoqué, en veux apprendre le moindre détail pour mieux m’en protéger », écrivait le roi d’un trait haché par l’inquiétude et la jalousie.
    Salisbury redressa le front, gêné lui-même par le sous-entendu du roi, si éloigné de ses propres hypothèses. Seule la nervosité de sa main glissant le rouleau dans un des anneaux de sa ceinture trahit son trouble. Aliénor, retournée à sa contemplation quelques secondes, avait déjà ramené vers lui son plus chaleureux sourire et, pour rompre la distance entre eux, s’était approchée de quelques pas. Il s’inclina avec déférence devant elle.
    — Que souhaitez-vous que je lui réponde, Votre Majesté ?
    Elle se mit à rire.
    — Êtes-vous donc si sûr de mon innocence que vous osiez me le demander ?
    Il s’en troubla plus encore. A quoi donc jouait la reine ? Elle s’affranchit des dernières toises qui les séparaient, posa une main sur sa poitrine, brusquement tétanisée, et, amusée, planta dans son regard d’azur le sien.
    — Ce serait faire injure à votre honneur, Patrick de Salisbury, que d’accepter. L’ordre du roi nous contraint, vous comme moi, à la vérité. Je n’y ferai aucun obstacle. Mieux encore. Lorsque, après le couvre-feu, je quitterai ma chambre, je feindrai d’ignorer votre présence dans l’ombre, votre pas dans le mien.
    Les doigts d’Aliénor esquissèrent une caresse discrète avant de se retirer. Patrick de Salisbury suffoquait presque sous ses dehors impavides. Il se racla la gorge.
    — Vous m’épargneriez, Votre Majesté…
    — Mais je ne le veux point, mon ami. Le ver est dans le fruit et il vous resterait un doute que je ne supporterais pas d’imaginer. Vous me suivrez et vous observerez. Ensuite, libre à vous et à votre constat de m’absoudre ou de me condamner.
    Il acquiesça d’un signe de tête, empêtré dans les plus incertaines supputations. Elle lui tourna ostensiblement le dos pour retourner à son observatoire. Il hésita quelques secondes à se retirer. Demeura à danser d’un pied sur l’autre puis finit, face à son silence, par tourner les talons. Elle le cueillit avec cette autorité convaincue par le poids des années.
    — Bien entendu, il s’agit là d’un ordre, comte.

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