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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Tout manquement…
    Elle ne termina pas sa phrase, le sachant plus que quiconque apte à en combler les pointillés. Il referma la porte sur lui et le sourire d’Aliénor entailla sa face calculatrice. Le poisson était solidement ferré.
     
    Le cœur battant à tout rompre, discrète ombre parmi les ombres de ce corridor que la nuit avait avalé, elle balaya pourtant sa lanterne pour s’assurer de la présence de Salisbury. Il eut la délicatesse d’un pas bruyant sur le parquet pour la conforter. Elle cessa son inspection, allongea le sien vers la chambre de Rosamund, dont au fil des jours elle s’était lassée. Sa vengeance n’avait de goût que dans sa trahison. Il était temps pour elle de revenir à un corps d’homme et le courrier d’Henri, celui-ci parmi tous les autres qu’elle avait savamment interceptés, lus, recachetés puis fait remettre, arrivait à point nommé. Salisbury l’ignorait encore, mais cette nuit même il serait son prisonnier. Parvenue devant les appartements du roi, elle en poussa la porte cintrée, réveillant un couinement léger. Elle attendit quelques secondes, feignant une indécision, puis se glissa dans la chambre en prenant soin de ne pas rabattre le battant tout à fait. Elle le savait, Salisbury aurait le lit en mire s’il osait un œil. Et, connaissant la rigueur d’âme du personnage, elle se doutait qu’il ferait bien davantage qu’oser. Il se plierait aux ordres. Jusqu’à la honte. Jusqu’à chanceler de son propre désir réveillé.
     
    Rosamund ne savait jamais quand la reine la rejoignait. Elle l’espérait à chacun de ses couchers, veillait parfois tard, suspendue au moindre craquement de plancher, le corps en sueur, se remémorant chaque instant de la journée qui eût pu se traduire en promesse. Elle, si sûre, deux mois plus tôt, de son attachement au pouvoir, si inflexible dans sa jalousie possessive, n’était plus rien dans la pénombre qu’un être brisé par le besoin que les savantes caresses de la reine avaient induit en elle. Elle s’était attendue à du dégoût devant sa vieillesse, devant sa propre motivation à lui céder. Il n’en avait rien été. Contre toute attente et malgré ses dix grossesses, la peau d’Aliénor était aussi soyeuse et ferme que la sienne, les seins haut perchés encore et ronds. Rosamund avait été surprise par sa beauté, soumise par ses jeux, et conquise par ses attentions qui la célébraient mieux que le roi ne l’avait fait. Au point qu’elle en avait oublié le poison dans son coffret. Au point qu’elle découvrait avec stupeur la réalité du verbe aimer. Avec cette sécurité supplémentaire de ne point courir le risque d’être engrossée, donc trahie par les faits aux yeux du roi, puisque même les hommes qu’Aliénor lui offrait se retiraient d’elle avant de semencer. Pour interdits que soient ces ébats au regard de l’Église, Rosamund savait désormais que d’autres qu’elle s’y livraient pour combler le manque de tendresse d’époux mieux empressés à la guerre et à la queutée que de bélinage d’amour vrai. Du coup, ses appréhensions rangées au même tiroir que ses remords, elle ne cultivait plus que les regrets lorsque le petit jour s’annonçait et que la reine ne s’était montrée. Aussi, à l’ouverture de la porte, sésame prodigieux, se dressa-t-elle sur sa couche avec l’impatience d’un jeune cervidé avide de grands espaces. Comme lui aussi, ses cuisses tremblaient. La gorge palpitante et nouée, elle n’osa le moindre mot, suspendue déjà aux caprices de son amante, régalée d’avance de savants jeux. Elle se contenta de rabattre les draps tandis qu’Aliénor déposait sa chandelle sur le chevet.
    Un autre soir que celui-ci, la reine se serait glissée à ses côtés avant de la dénuder délicatement par petites touches et de la rompre de désir. Mais elle avait soif d’autre chose. D’une apothéose qui, en ouvrant l’appétit du sieur de Salisbury, marquerait la fin de cette relation. La fin, pour elle, de Rosamund Clifford. Elle se contenta de s’asseoir à ses côtés et de lui sourire avec une fausse tendresse, la laissant de la joie passer à l’étonnement puis à l’inquiétude. Jusqu’à ce que la voix se brise :
    — Ne me voulez-vous plus, ma reine ?
    Aliénor se releva, avança de quelques pas jusqu’à la porte, l’œil dans celui qu’elle devinait de Salisbury puis, jugeant que Rosamund autant que lui vibraient

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