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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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la culpabilité même l’entraînait dans ce gouffre de sensualité débridée que la reine avait ébauché. Aliénor le laissa agir, avec la même soumission qu’avait eue Rosamund pour elle. Elle connaissait bien les hommes, mieux encore les guerriers. Plus tard, elle lui apprendrait la patience, plus tard elle se révolterait, prendrait le contrôle, lui arracherait, comme à Rosamund, des attentes insoutenables. Il savait désormais qu’elle en était capable. Mais, pour l’heure, il fallait consommer. Consommer cette fièvre qui les tenait tous deux. Ne pas lui laisser le temps de l’hésitation, du remords. Elle s’offrit en se cabrant sous ces mains volubiles, presque violentes, qui retroussaient son chainse de nuit. Il connaissait ses dessous de peau nue. Il s’en était régalé d’avance, sans bien savoir encore qu’il les caresserait. Qu’il oserait les faire siens. Avait-il dégrafé ses braies du temps qu’elle couvrait la distance jusqu’à lui, ou là, tandis qu’elle s’enivrait de son parfum de musc ? Elle ne sentit que son vit dressé contre son ventre. Elle se hissa sur la pointe des pieds, il s’accroupit légèrement. Un accord parfait, songea-t-elle en le sentant venir en elle. Elle noua ses bras à son cou, ses jambes à ses reins et, perdant la notion du danger qui les guettait dans le couloir de ce palais, elle s’efforça de ne plus penser qu’à ne pas hurler tout le bien qu’il lui faisait.

47
     
     
    R osamund Clifford dodelinait d’un pied sur l’autre.
    Elle oscillait entre la colère et le désespoir devant ces malles ouvertes qui indiquaient clairement le départ de la reine. Indifférente à son trouble, la dame d’atour continuait de plier savamment chacun des effets avant de le ranger. Assise devant son écritoire, Aliénor, elle, finissait de rédiger un courrier à l’intention d’Henri. Courrier destiné à les précéder sur le continent. Bien qu’elle eût autorisé la visite de Rosamund, elle avait à peine relevé le nez à son entrée. D’une main sûre que caressait un rai de soleil derrière le verre épais de la fenêtre, Aliénor signa puis plia en trois volets le message, avant de chauffer la cire à une chandelle allumée quelques secondes plus tôt à cet effet. Le vermillon s’étala sur le rabat. Sans attendre, Aliénor, débaguée de son sceau, y imprima sa marque. Un lion, symbole du duché d’Aquitaine. Ensuite, seulement, elle releva le nez pour apostropher sa fidèle servante et lui tendre le courrier.
    — J’ai terminé, Brunehilde.
    Servie par la force de l’habitude, cette dernière s’accorda le temps de déposer dans un coffre rectangulaire un bliaud long brodé de fil d’or avant de récupérer le bref. Elle s’effaça aussitôt avec toute la discrétion dont elle était coutumière.
    Enfin seules, songea Rosamund devant le sourire affectueux de sa reine. Elle le lui rendit, la laissa repousser sa chaise et venir à elle. Quatre jours depuis son ébauche d’étreinte. Quatre nuits d’insomnie que les journées n’avaient aidé à résoudre. Aliénor ne leur avait pas laissé la moindre possibilité d’une intimité. Et voilà qu’en ce matin du cinquième la nouvelle lui était parvenue par sa propre chambrière. La reine quittait la place avec les siens. Rosamund se nicha dans ces bras tendus, le corps repris d’un désir qui noya aussitôt sa rancune. Elle ne sut que geindre, le nez dans le cou parfumé de son amante.
    — Me fuyez-vous ?
    En une caresse furtive, Aliénor ramena ses mains vers les épaules de Rosamund puis, les gardant en sa paume, la repoussa délicatement. Leurs regards se nouèrent. Celui de Rosamund était alourdi de tristesse et Aliénor tua en sa gorge les mots, terribles, de sa vengeance. Sa rivale soudain ne lui inspira plus qu’une pitié légitime. Elle souffrirait de sa perte comme elle, Aliénor d’Aquitaine, avait souffert de celle d’Henri. A quoi bon enfoncer davantage le poignard ?
    — Non. Je ne vous fuis pas. Au contraire. Je nous sauve.
    — Expliquez-vous…
    Aliénor s’écarta d’elle pour récupérer sur son écritoire le billet d’Henri que Patrick de Salisbury lui avait confié. Elle le tendit à Rosamund.
    — Je l’ai intercepté par mégarde et n’ai pu que m’en réjouir. Lisez.
    Rosamund le parcourut. Lorsqu’elle le lui rendit, elle était blême.
    — J’ai jugé plus prudent de ne plus vous rejoindre, ignorant si le comte avait reçu

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