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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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avoir tant attendu ?
    Il eut un maigre sourire.
    — Orgueil stupide… Je refuse l’amputation que ce charlatan de Beauford préconise en cas de pourrissement. Je le soupçonnerais trop de jubiler intérieurement, lassé de me voir transformer ses conseils en inconséquence. Peux-tu agir ? Ou ton attachement à la reine… ?
    Je le fustigeai d’un regard noir.
    — Personne ne veut vous voir passer ou diminué.
    Il abandonna sa nuque contre le haut du dossier, le front perlé d’une sueur aigre. Je me redressai.
    — Je vais aller quérir Eloïn.
    Il me retint par le bras.
    — Non. Toi. Je ne veux que toi pour me soigner.
    — Elle est plus puissante, plus efficace que moi.
    Il roula de la tête sur l’arrondi, les yeux embrumés.
    — Je m’en moque. C’est à toi que je dois ce trône, Loanna de Grimwald. Si j’en suis digne encore, tu me sauveras. Sinon…
    Je soupirai d’agacement, refusant ce langage, même si, connaissant Henri, je savais qu’il s’y tiendrait. Je n’avais d’autre choix que me plier à ses ordres, avec toute la responsabilité que cela impliquait.
    — Je vais chercher mes médecines.
    — Va. Mais pas un mot. A quiconque, Loanna de Grimwald.
    Cela sous-entendait Aliénor en tout premier. Je promis d’une voix terne avant de m’éclipser.
     
    Les heures qui suivirent me furent difficiles. La tuméfaction entaillée révéla un pus épais, hautement pestilentiel, des chairs rongées jusqu’à l’os. Si de le libérer amena un soulagement immédiat à la douleur du roi, il perdit connaissance sitôt que je me mis à curer. Je refusais de penser qu’il pouvait passer là, sous mes doigts, emporté par une infestation massive. Moi-même, pour m’en protéger, avais dû nouer un foulard autour de mon nez. Malgré cela, la pièce empestait. Je me guidais à mon instinct, doutant parfois de sa réalité au point d’en trembler et de suspendre mon geste, puis reprenant confiance dans une prière muette aux anciens, à Merlin, à mère. J’avançais par petites touches, servie par l’inconscience prolongée d’Henri, mais aidée pourtant par ses gémissements dès que j’atteignais la chair saine. L’autre, morte aurait pu s’ôter à la cuillère. A plusieurs reprises, épuisée, les membres tétanisés par ma posture accroupie, tendue à l’extrême, je dus me redresser, marteler le sol pour tuer les fourmis dans mes jambes, mouliner des bras, recharger en bois l’étroite cheminée en forme de cornet, singularité d’architecture qui ramenait stupidement au sol des volutes de fumée. Je toussais, frottais mes yeux d’un revers de manche, me savonnais de nouveau les mains puis revenais à mon charnier. Il ne resta plus enfin qu’une plaie large de deux doigts sur onze, impossible à recoudre. Une chair à vif dans laquelle j’avais, je l’espérais, réussi à préserver l’innervation, le tissu musculeux. Sans garantie pourtant de le voir épargné par une deuxième vague de gangrène. Mère m’avait enseigné, voilà longtemps, que le seul moyen de s’en guérir, s’il marchait, était la cautérisation par le feu. Je mis quelques longues minutes à m’y résoudre, assise dans le sang répandu, à même le sol où un abîme de faiblesse m’avait fait verser. J’avais soif. Je me mis en quête de cette bouteille d’élixir qu’Henri gardait toujours à portée. Je finis par la découvrir sous le lit, des trois quarts vidée. J’en avalai successivement trois goulées pour regagner des forces puis, la remettant en place, allai récupérer dans les braises le tisonnier que j’avais mis à rougir. Je n’avais trouvé que la finesse de son bout arrondi pour atteindre partout sans léser davantage. Ce me fut de nouveau un travail de patience dans lequel Henri demeura tout aussi inerte, malgré ses râles. Loin de m’attrister, ils me rassuraient, m’apportaient la preuve qu’il vivait encore, ressentait encore. Que je pouvais le sauver. L’odeur de chair brûlée, immonde, finit par prendre le pas sur toutes les autres, me portant le cœur au bord des lèvres. J’aurais voulu en avoir terminé, ouvrir en grand les fenêtres, laisser la froidure de ce 27 décembre assainir la pièce. Mais je ne pouvais laisser la plaie telle quelle. De nouveau, je me lavai les mains, les essuyai puis me mis en quête d’un linge propre dans les malles d’Henri. Je découpai des morceaux de tissu dans un drap. Récupérai le reste de l’élixir. En vidai un

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