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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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celle des justes. Si votre conscience est en paix, alors je serai auprès de vous celle que j’ai toujours été.

51
     
     
    P arce qu’il était né de droiture comme d’autres de robe, depuis qu’il avait trahi son roi Patrick de Salisbury dormait mal. Lui qui, par deux fois déjà, emprisonné par l’ennemi au cours d’une des campagnes d’Henri, n’avait pas cédé à la torture, mieux, avait trouvé le moyen de s’échapper, souffrait cette fois son joug avec la plus molle des lâchetés. Cette image de lui ne lui seyait guère. Ses nuits se peuplaient de cauchemars qui voyaient Henri à l’agonie devant les ébats de ses dames. Il entrait alors dans l’idée de les séparer, de guérir son roi, mais, en place, il le poignardait dans le dos avant de se laisser avaler par les baisers d’Aliénor. Chaque fois, il se dressait en sueur sur sa couche, des palpitations en la poitrine, décidé à mettre fin à ce tourment par des aveux. Enfiévré, il se levait, trop tôt, s’approchait du roi, acceptait son bras enroulé autour de ses épaules, et ployait, effondré par sa couardise en l’entendant l’appeler son ami. Non que la disgrâce l’eût effrayé, non qu’il eût perdu à ce point le sens de l’honneur, mais lui revenaient invariablement les paroles d’Aliénor au tout lendemain matin de leur première étreinte. Lorsqu’il avait plaidé l’égarement, imploré son pardon et espéré qu’elle s’en contente.
    — Je vous laisse à choisir, messire, de la vengeance que vous m’autorisez contre mon époux. Vaut-il mieux pour lui perdre la femme qu’il aime et que j’ai rompue à mes rets, ou conserver cet ami que vous êtes et qui le sauve en la libérant de moi ?
    Elle s’était collée à lui, le renflammant d’une fièvre sournoise, née du premier instant de leur rencontre, quinze années plus tôt. Avait ajouté, perfide :
    — Réfléchissez-y jusqu’à la nuit prochaine. Ma porte restera ouverte. Si vous la franchissez, je jure devant Dieu que mon époux retrouvera intact le souvenir de sa belle et que je ferai mes malles pour ne plus revenir en Angleterre.
    Il avait cédé. S’était convaincu alors que la compensation de la reine était dérisoire et dans l’intérêt du royaume. Mais chaque fois qu’il se délectait en sa couche, la cabrait de plaisir et s’accordait à en prendre, une part de lui concédait à l’ignominie ce qu’il gagnait à l’amour.
    — Cessez de vous tourmenter. Je vous aime, vous m’aimez, je n’y vois que la plus naturelle des choses. Et puis fi ! mon bel amant. N’est-ce point vous dont Henri me vantait les mérites, sans cesse prêt au combat sur nos domaines ? Prompt à dompter un vassal indiscipliné ? Vous ne faites rien de moins ce jourd’hui. Vous chevauchez ma terre et pliez ma rébellion. Sans votre héroïque dévouement, Henri me verrait sa plus farouche ennemie. Hardi donc à tuer ces remords. Ils déshonorent votre vertu bien plus qu’ils ne la servent !
    Mais les remords revenaient, chiens errants et galeux des nuits de solitude. Ces mêmes nuits, depuis qu’ils étaient à Argentan. Pour les tromper, il s’accordait dans le sillage du roi, à chevaucher d’une traite jusqu’aux bords de mer, suivait auprès de lui le mouvement des navires lorsque le brouillard autorisait davantage qu’un bruit de corne, mentait en confiant au roi ce qu’il avait envie d’entendre. La fidélité de Rosamund à sa mémoire, ses efforts d’amitié avec la reine et l’abnégation de cette dernière à la cause du royaume. Il s’était même surpris à ajouter, sincère :
    — C’est une grande reine, Votre Majesté. Mais plus encore une grande dame. Il m’est triste de vous voir vous bouder.
    Avant de tourner bride de cette falaise où ils s’étaient arrêtés pour jouir de la vue prenante, Henri lui avait semblé plus las que d’ordinaire, peinant à tenir bride et la voix altérée.
    — Je sais, mon ami. Je sais. Certaines indignités nous rongent jusqu’à l’os parfois, et l’on se demande s’il vaut mieux les assainir ou les laisser gangrener. C’est au temps qu’il appartient d’en être juge lorsque, comme moi, on ne peut choisir. Au temps et à la prière. Avec cet espoir fou qu’un tour de magie pourra vous en délivrer.
    Lorsqu’il avait appris que le roi, souffrant, refusait toute visite, il avait aussitôt imaginé le pire. Il s’en était ouvert à Aliénor, arguant que, malgré leurs

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