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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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sans elle. Au point d’avoir renié, sali puis chassé mon vieil ami Becket et de continuer encore pour masquer mon indignité. Mais s’il me fallait choisir, là, entre elle et toi… c’est toi que je supplierais de rester à mes côtés. Alors je te le redemande, Loanna de Grimwald. Quelles sont mes chances ?
    Je déglutis, rattrapée sous cet œil brûlant par un froid glacial. Secouai la tête. Il insista.
    — N’as-tu rien éprouvé alors que tu tenais ma vie entre tes mains, tantôt ? Ni crainte, ni désespoir à l’idée de ma fin ?
    — Rien que de légitime. Vous êtes l’Angleterre. Vous êtes mon roi.
    — Tu mens, Loanna de Grimwald. Je le devine au tremblement de tes mains.
    Je me dressai, refusant l’idée de sa perversion.
    — Alors quoi ? N’avez-vous laissé pourrir votre bras que pour cela ? Me mettre en conflit avec moi-même ? Me ramener en vos rets ? Vérifier si je tenais à vous au point de vous sauver de vous-même ?
    Un voile douloureux passa sur ses traits tirés.
    — Peut-être. Je ne sais, en vérité. Je suis déchiré de mensonge, de jalousie. Déchiré de mes égarements, de mes guerres. Déchiré de sentiments contradictoires qui m’ont fait, quelques jours, espérer une issue fatale ou une rédemption. Mais dans ce chaos, toi seule me semblais fiable. Lumière d’espoir dans ma tourmente. Ne t’indigne pas, Canillette. Enfant, c’était auprès de toi que je trouvais ma force. J’en suis toujours là. Quoi que tu en penses. Ma fierté me force à régner seul, mais te savoir dans l’ombre, même auprès d’Aliénor, me rassure. Pas un instant avant ces dernières semaines je n’ai douté que ma reine s’effacerait, me partagerait, me reviendrait pour le bien du royaume. Te rendrait à moi par son pardon. Ne l’avait-elle pas fait déjà en me sachant épris de toi ? J’ai compris enfin qu’il n’en serait rien. Qu’elle me haïssait assez pour avoir nourri en moi l’idée de ses caresses avec Rosamund. Dans l’espoir de m’en pourrir la jouissance. Mais, plus encore, je le devine, dans la certitude que sa vengeance passerait par toi.
    L’espace d’une seconde, ce fut bien l’enfant d’hier, mon petit roi bouleversé de craintes, que je revis là. Ma colère retomba. Je revins m’asseoir sur le bord du lit. Mes doigts s’enroulèrent aux siens. Ma main repoussa une flammèche aux racines noires à son front.
    — Comme autrefois, il faut que vous brisiez vos jouets, Henri Plantagenêt. Comme autrefois, vous espérez me voir les recoller. Mais la magie ne suffit pas toujours. Il faut des choix, des actes, des repentirs. Et parfois même, malgré cela, admettre sa défaite. Je tenterai d’infléchir la reine mais il faudra du temps. Insistez pour qu’elle admette Salisbury à ses côtés pour veiller à sa sécurité. Symbole d’un reste d’alliance entre la Normandie et l’Aquitaine. Faites-vous discret. Et patientez.
    Il porta nos mains à ses lèvres, embrassa la jointure de mes doigts repliés.
    — Mais toi, toi, Canillette ?
    — Je suis là. Vous l’avez vérifié. Confortez-vous-en si cela vous agrée, mais mes sentiments sont les mêmes qu’hier. Un seul est ma respiration, ma vie. Et ce n’est pas vous, mon roi. Ce ne le sera jamais.
    Il soupira.
    — Je me contenterai donc, si je survis, de Rosamund Clifford.
    — Vous survivrez. J’y veillerai. D’autant mieux que, à l’écoute de votre confession, il est une injustice que je vous veux voir réparer… Becket.
    Henri tordit la bouche.
    — Tu sais comme moi qu’il ne se rendra pas. Si je ne l’avais fait chasser de Pontigny par les Cisterciens en agitant devant eux l’idée de représailles contre leurs abbayes anglaises, je serais, comme ma famille et l’Angleterre, toujours frappé d’interdit et d’excommunication par sa colère.
    — Elle me semble justifiée. N’avait-il pas appris alors que Rosamund se pavanait à la cour ? et que, par conséquent, votre pardon s’imposait ? Or, vous le lui avez refusé.
    Il blêmit de nouveau.
    — Ainsi donc, tu savais…
    — Oui, mon roi. Vous voyez. Ma trahison n’est pas pour demain. La sienne non plus.
    Je me levai. Malgré cet échange, la tiédeur normale de ses lèvres m’avait rassurée sur sa guérison.
    La confession avait eu raison de la malignité. Je me penchai sur son front pour y déposer un baiser léger.
    — Reposez-vous, Majesté. Vous n’êtes pas de la trempe des vaincus mais de

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