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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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gorge d’Henri. Renversé par le sursaut, le tabouret roula sur le côté. Salisbury tendit vers Henri un index suspicieux.
    — Votre Majesté, si je n’étais votre ami, je jurerais que vous me voulez perdre.
    Les traits d’Henri s’affaissèrent de surprise.
    — Eh ! quelle idée donc ? Puisque je vous commande. N’y voyez-vous pas l’évidence ?
    Salisbury se mit à marteler le parquet de long en large, indécis quant à la réelle motivation du roi. Il s’arrêta, écarta les bras en signe d’incompréhension.
    — Je n’y vois que votre cocufiage, sire.
    Henri soupira.
    — Oui. Bien sûr. Dans les faits. Et c’est bien cela que je veux que la reine croie.
    Il se leva, fonça d’un pas vif sur le comte pour le prendre en étau aux épaules.
    — Je lui offre sa vengeance, comprenez-vous ? Pour taire en elle l’idée d’autres bien plus pernicieuses pour moi ou le royaume. Je conçois que son accomplissement vous indigne, voire vous dégoûte, mais je vous préfère en sa couche, vous, mon plus fidèle compagnon, qu’un autre, Aquitain de nature, qui s’appliquera comme elle à me nuire.
    Salisbury ne trouva plus rien à redire sinon…
    — Mais pourquoi moi ?
    Henri lui tapota la joue.
    — Parce que vous l’avez louée devant moi de jolie manière, que vous la respectez et qu’elle ne vous laisse pas indifférent. Non, ne niez pas. C’est dans le regard franc et la droiture d’âme de compagnons tels que vous que j’ai pu lire au premier temps de mon règne ma chance d’avoir à mes côtés une reine de sa trempe et de sa beauté. Je n’ai pas su la goûter. Trouvez-y votre compte. Je n’en suis point jaloux. Non seulement vous avez ma bénédiction, mais encore c’est un ordre, comte de Salisbury.
    — Votre Majesté…
    — Fi. Il n’est aucun de mes compagnons en qui j’aurai davantage confiance. Dévouez-vous à la reine comme vous vous dévouez à moi. Avec le même attachement. Lors, malgré Rosamund Clifford, l’unité du royaume perdurera. Puis-je compter, en toute discrétion, sur vous ?
    Patrick de Salisbury se détacha de son roi pour poser un genou à terre. Levant son regard marine harcelé autant de doute que de soulagement, il murmura :
    — Jamais serviteur ne sera plus fidèle à son roi.

52
     
     
    A liénor ne fut pas longue à convaincre, même si, pour la forme et pour tuer les soupçons d’Henri elle s’indigna, arguant qu’elle était largement à même de s’opposer aux Lusignan ou autres de ses vassaux et qu’un baron aquitain valait autant qu’un Anglo-Normand. L’argument majeur que lui opposa Henri fut l’attachement de ses fils à Guillaume le Maréchal, neveu du comte de Salisbury, qu’il devrait ramener dans son sillage en cas de refus. Aliénor feignit de s’y laisser prendre. Elle regarda donc partir le roi une pince au cœur, qu’elle détacha d’un œil gourmand en direction de son amant sitôt qu’Henri eut passé le pont-levis.
    Les jours qui suivirent la comblèrent. Lavé enfin de ses remords, Patrick de Salisbury donna la pleine mesure de ses capacités d’amant et d’aimant. Puisqu’il était mandaté par son roi, il ravit la reine de mots doucereux autant que de compliments. Lors, malgré le douloureux et imminent départ de sa fille, Aliénor s’accorda au bonheur dont seul Bernard de Ventadour, retranché dans sa disgrâce avec la tristesse des amours perdues, prit conscience avec désolation. Pour autant, fidèle parmi les fidèles, ce dernier demeura près de nous pour préparer avec Jaufré l’avènement des deux plus fameux troubadours de leur temps : Richard et mon Geoffroy.
    — Un jour viendra où l’on ne saura plus qui du père ou du fils louer. Nous ne ferons plus qu’un dans les mémoires, se mit à rire Jaufré au cours d’une de nos promenades à cheval.
    Le temps était splendide. Un de ces froids secs de janvier que j’affectionnais. Il nous avait menés d’un même galop jusqu’aux plages d’Ouistreham, à deux bonnes heures d’Argentan. La marée était basse, l’azur immense.
    — Cela te chagrine-t-il ?
    — Non. Non ma douce. Au contraire. Cela m’emplit de fierté. Une seule voix pour un même nom, n’est-ce point là la plus belle des continuités ?
    — A n’en pas douter, avais-je répondu avant d’ouvrir le chapitre de cette Agnès d’Angoulême, privée de son promis par une chute de cheval quatre années plus tôt.
    Jaufré, qui avait repéré

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