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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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précautions redoublées depuis que le roi était en les murs, quelqu’un avait parlé. Sa dame de compagnie peut-être ? Aliénor lui avait ri au nez. Jurant plutôt que la maladie du roi n’avait d’autre but que de la culpabiliser. Indécis au même titre que les autres familiers, évincés pour la première fois, Patrick de Salisbury s’était plus encore rongé les sens. Jusqu’à ce que, enfin, Henri le fit mander dans sa chambre. Quatre jours après leur dernière rencontre.
    Assis dans un faudesteuil, vêtu d’élégance, il avait bonne mine et souriait, malgré la saignée de son coude largement ouverte sur les genoux du barbier qui en vérifiait la propreté.
    — Entrez donc, mon ami, et voyez ma chance. Je croyais mes chairs pourrissantes et j’en suis guéri. Asseyez-vous… Asseyez-vous, insista-t-il en lui désignant un tabouret.
    Salisbury le ramena à ses côtés, osa un œil suspicieux sur la plaie. Le rire d’Henri claqua, rabattant son inquiétude autant que l’œil noir du barbier.
    — Sous les remparts de Lusignan. Une flèche glissante. Cela ne semblait rien, mais il a fallu recoudre. Et malgré tout le talent de maître Beauford, une méchante engelure a creusé la plaie.
    Le susnommé haussa les épaules, la voix ulcérée.
    — Si vous n’aviez gratté les points plus tôt qu’il ne le fallait !
    Salisbury connaissait assez les deux hommes pour savoir que c’était entre eux une guerre dont aucun ne sortirait vainqueur. A moins que la camarde ne décide d’arbitrer. Puisque le danger était écarté et qu’Henri levait les yeux au ciel, il s’en amusa.
    — Une fois encore, je constate que vous avez réussi là où notre bon roi s’obstine à vous voir échouer.
    Beauford s’indigna, avec son honnêteté légendaire :
    — Ah ! pardon comte, s’il n’avait été que de moi, ce bras aurait été coupé. C’est la dame de Blaye qui s’est chargée de curer, et si Sa Majesté n’avait décidé de quitter la place, je n’en aurais pas même été informé !
    Ce ne fut pas le nom de l’intervenante qui fit tiquer Salisbury, mais l’idée du départ. Si elle ne pouvait que soulager ses nuitées, elle l’écartelait avec cette contradiction propre aux jouissances les plus coupables. Il la commenta dans un soupir maladroit :
    — Ainsi donc nous regagnons l’Angleterre.
    — Pas vous, mon ami. Moi, puisque maître Beauford vient de me juger hors de danger…
    — Si cette fois vous vous pliez à mes ordres ! gronda le petit homme.
    — Je vous ai donné ma parole, vous faudra-t-il une bible pour que mon serment ait valeur ?
    — Plutôt un gourdin pour vous assommer jusqu’à la cicatrisation complète, osa le barbier en s’appliquant à son bandage.
    De nouveau le rire d’Henri tonitrua dans le silence réservé de Salisbury. Il le laissa retomber avant de s’enquérir, comme chaque fois qu’Henri laissait sous-entendre qu’il y aurait pour lui quelque mission d’importance :
    — Qu’attendez-vous de moi, mon roi ?
    Henri lui offrit un sourire gaillard. Il laissa pourtant le temps au barbier d’achever son office, puis de rabattre les pans de son nécessaire de cuir et de prendre congé. Une fois seulement qu’ils furent seuls, Henri afficha une mine de conspirateur sous un regard de fouine.
    — La plus délicate et la plus personnelle des implications à la cause de l’Angleterre, mon ami.
    — Je vous écoute.
    Henri se rapprocha de lui.
    — J’ai plus que jamais besoin d’un espion auprès de la reine.
    Salisbury blêmit.
    — Sire… J’aimerais mieux guerroyer à vos côtés…
    — Mais c’est de guerre qu’il s’agit ! D’une guerre froide, calculatrice. Une guerre vengeresse dans laquelle je risque de perdre gros à la sous-es tim er.
    — Ne le pouvez-vous demander à Loanna de Grimwald ?
    Henri haussa les épaules.
    — Ses armes sont éculées.
    — La reine me refusera sa confiance. Elle est loin d’être sotte.
    — C’est exact. C’est pourquoi il vous faut la gagner autrement.
    Il lui posa la main sur le haut de l’épaule, darda dans le sien son regard pesant.
    — Devenez son amant.
    Salisbury sursauta.
    — Plaît-il ?
    Henri soupira.
    — Oui, je sais, elle n’a pas la fraîcheur des jouvencelles que nous troussons en campagne, mais elle le compense par une ard…
    S’arrachant à cette tenaille comme si un taon l’avait piqué, Salisbury se redressa, tuant la fin de ses arguments dans la

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