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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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serments et les épreuves imposées aux amoureux pour conquérir leurs damoiselles, organisait tournois et chasses quand elle n’invitait pas elle-même à danser la carole en s’accrochant à mon bras. La légèreté renaissait en Aquitaine. Les prélats, sous la coupe de Jean de Belmais, l’évêque de Poitiers, voyaient avec bonheur se terminer le chantier d’une cathédrale qui, sans posséder le faste de celle commandée par Louis de France, dressait haut ses flèches dans un ciel d’azur balayé d’hirondelles. Tout semblait de nouveau profiter à la reine. A ses enfants dont les précepteurs affinaient les connaissances en tous domaines. A Eloïn qui voyait les jeunes troubadours comme les chevaliers tomber à ses pieds pour louer sa beauté et sa lumière. A mon Geoffroy qui, délaissant quelque peu ses amitiés garçonnes, roucoulait avec Agnès tout en se pliant aux épreuves courtoises. A Jaufré qui, baigné de fierté devant ses enfants, accordait plus de temps à nos échappées, se rajeunissant d’allure et de force. A moi enfin, qui trouvais dans le refuge permanent de ses étreintes les meilleures raisons d’oublier que le destin, parfois, peut s’écrire en lettres de sang.
     
    *
     
    Patrick de Salisbury était nerveux. On lui avait signalé autour de Poitiers quelques exactions commises par une troupe de brigands qu’aucune expédition punitive n’était parvenue à saisir. Or, les beaux jours aidant en cette semaine pascale, Aliénor s’était mis en tête de pousser du galop dans les forêts alentour avec ses fils Richard et Geoffroy, quatre de leurs amis dont son propre neveu Guillaume le Maréchal et un jeune troubadour nommé Robert de Pujol. A la réserve de son amant, Aliénor avait éclaté de ce rire clair dont il restait friand.
    — N’êtes-vous point là pour nous protéger, mon tendre ami ? Que feront ces bougres devant notre vaillance ? Qu’ils y viennent donc ! Enfin nous les rabattrons pour mieux les clouer au pilori et débarrasser mes gens de leur menace.
    Il s’était donc plié, comme il le faisait toujours, au plaisir de sa reine, en prenant toutefois précaution de renforcer leur escorte et d’armer les jouvenceaux. Aliénor elle-même, pour lui plaire davantage que par inquiétude, avait décroché son épée du râtelier pour la piquer à sa ceinture. L’humeur joviale des promeneurs n’en avait pas été entachée. Tout au contraire. On se mit en selle, la plaisanterie aux lèvres et les paris ouverts sur qui, le premier, fendrait boutonnière à la poitrine d’un malandrin.
    Malgré cela, Patrick de Salisbury se tenait sur ses gardes, peinant à desserrer les dents, alors que l’air était doux, les bourgeons naissant aux branches des hêtres, les parfums d’humus entêtant d’ébauche printanière et que, après un galop vif sur la grand-route, ils s’étaient enfoncés dans les allées étroites des chemins de traverse, délitant leur groupe en deux ou trois solidement encadrés de gardes. Aliénor restait dans son pas, bercée du chant des oiseaux et du rire des jouvenceaux que portait une brise fraîche. Elle pencha la tête de côté, accrocha avec gourmandise son profil à l’affût. S’en attendrit.
    — Allons, mon ami, allez-vous vous détendre ?
    Il consentit à lui retourner un sourire.
    — Je m’y efforce, Votre Majesté.
    — Mais…
    — Mais mon instinct m’avertit d’un danger. Le voudrais-je que je ne le pourrais taire. Trop de fois il me sauva sur les champs de bataille.
    Elle le couvrit de tendresse.
    — Je comprends. Et regrette que Loanna se soit absentée en Blaye avec son époux et ses enfants. Je suis persuadée qu’elle, ou Eloïn, auraient apaisé vos tourments par leur prescience.
    Sa sérénité, ses certitudes lui arrachèrent un soupir résigné.
    — Sans doute. Oui, sans doute avez-vous raison.
    Aliénor ralentit un peu plus l’allure, l’obligeant à se caler dans son pas. Elle se pencha par côté pour se rapprocher de lui et baisser la voix.
    — Savez-vous ce que je crois ? Qu’à la vérité vous craignez de me perdre.
    Il cueillit son clin d’œil complice lorsqu’elle reprit son assise, s’en troubla et consentit enfin à arracher son poing du pommeau de sa lame. Déjà, Aliénor s’était fendue d’un rire léger. Un rire chargé de promesses. Elle ajouta, dans un murmure qu’il entendit à peine :
    — Vous ne devriez pas, comte. Je vous aime. Autant que vous m’aimez, je

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