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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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son hôte, Geoffroy. De la même manière qu’elle s’installe, elle peut s’en aller.
    Il plissa les sourcils, cherchant le sens de ma tirade que je jugeai soudain déplacée avec lui quand Eloïn, au même âge, l’aurait déjà assimilée. De fait, ma fille hochait la tête et rectifiait :
    — Tu te souviens de M. Georges ?
    M. Georges était un très vieil homme attaché au service d’Aliénor. Il s’était éteint un an plus tôt et les enfants, qui l’adoraient, l’avaient beaucoup pleuré. Geoffroy hocha la tête.
    — Eh bien, M. Georges aussi est retourné au Grand Tout. On va lui demander de bien s’occuper du furet, tu veux ?
    Geoffroy marqua un temps, s’attarda sur le linceul posé sur un banc près d’un empilage de paniers d’osier puis renifla.
    — Comment ? Comment on va le lui demander ?
    — Par la prière, petit sire, affirma Bertrade tandis que je me redressais, ankylosée.
    — Il faut d’abord l’enterrer. Comme pour M. Georges, affirmai-je, reprenant les arguments que ma fille m’avait donnés.
    — Bastien fera le trou ?
    Je hochai la tête. Notre jardinier était toujours de bonne volonté quand il s’agissait de plaire aux enfants. Geoffroy redressa le buste.
    — C’est moi qui le prends, décida-t-il en se dirigeant vers le petit cadavre emmailloté.
    Nous le laissâmes l’emporter, et, tandis que notre cortège mortuaire quittait la souillarde, traversait la cuisine et gagnait la cour triangulaire par une porte de côté, je songeai qu’à trop m’occuper des affaires du royaume j’avais oublié l’essentiel. Que l’un de mes enfants avait besoin d’apprendre ce que l’autre savait de manière innée.
    Au soir venu, ramenée en notre couche, je m’en ouvris à Jaufré. Il m’attira dans ses bras avec cette infinie délicatesse que j’aimais, un sourire léger à ses lèvres.
    — Eloïn est de ta race, et Geoffroy de la mienne, c’est dans l’ordre des choses, ma douce. Les femmes de ta lignée ont hérité d’Avalon et de Merlin le savoir des choses cachées. Est-il besoin de les enseigner à Geoffroy pour mener la châtellenie après moi, là est la question, la vraie question.
    Je me décollai de son épaule contre laquelle je m’étais relâchée.
    — Ne le juges-tu pas utile ?
    — Utile, si. Indispensable, je ne sais. Toi seule peux déterminer ce qui l’est. J’étais d’une nature juste et généreuse bien avant de te rencontrer, de sorte qu’en Brocéliande tout coula en moi comme une source bienfaisante. Si notre fils possède ces qualités, et je le crois, alors ton seul contact et celui de sa sœur suffiront à ancrer en lui les lois druidiques pour qu’il les applique sans avoir besoin de les nommer. Sous l’égide des Plantagenêts, le monde change, Loanna. Nous le voyons chaque jour en parcourant les chemins. Je n’oublie pas ta prémonition, mais on bâtit des villes, on dresse des moulins, on édifie abbayes et palais, on allège la charge des petites gens par une gestion plus mesurée, plus humaine. Le spectre des guerres de voisinage s’éloigne dans la poigne d’Aliénor et d’Henri et je veux croire que notre présence auprès d’eux aura changé cet avenir funeste. Que nos enfants vont grandir dans un empire prospère et, par là même, s’épanouir avec lui. J’ai cessé d’avoir peur, ma douce, parce que ce qui t’effraie ce jourd’hui n’a pas de réalité.
    Un petit rire m’échappa, reflet des étoiles dans ses yeux.
    — Et qu’est-ce que je crains ce jourd’hui, Jaufré de Blaye ?
    — De nous aimer moins en servant Aliénor et Henri.
    Il passa ses doigts effilés dans mes cheveux, que quelques fils blancs traversaient, me couvrit d’une tendresse sans âge.
    — Nul ne s’en ressent, bien au contraire. En nous mêlant à leur avancée, tu donnes à ma terre plus de puissance, de force et de légitimité qu’elle n’en a jamais eu et à nos enfants la plus grande des chances. Celle de bâtir demain. Quant à moi, n’en doute pas, ma douce, je suis l’être le plus comblé qui soit et j’en mesure chaque jour davantage les effets.
    — Je t’aime…
    — A jamais…, répondit-il en m’attirant vers sa bouche.
    Je m’y abreuvai avec cette soif qui ne me quittait pas, m’accordai à ses mains qui me dénudaient, avide de sa peau contre la mienne, de son souffle mêlé au mien. Et, lorsque dans un gémissement de plaisir je le reçus en moi, ce fut avec le sentiment

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