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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Noël. Henri s’en amusant, je n’avais pas jugé utile de la contrarier. Aliénor avait visiblement besoin d’action après toutes ces années passées à enfanter.
    Elle insista :
    — Raymond de Toulouse n’est guère soucieux de Constance de France, son épouse. Il la bafoue sans cesse. Je ne crois pas que Louis voudra le secourir si nous lui déclarons la guerre. Il a toujours eu beaucoup d’affection pour sa sœur.
    Un sursaut d’agacement durcit mon timbre :
    — Qu’il apprécie ou non son beau-frère n’y changera rien, Aliénor. Raymond V est son vassal et il le défendra. Lors, tu risques de perdre, à le braver, ce que j’ai si chèrement réussi à gagner.
    Elle appuya son menton sur son poing qui gainait le pommeau, marqua quelques secondes d’une réflexion que je savais feinte avant de le relever.
    — Tu as raison. Cent fois raison…
    Me frappant de surprise, elle bondit du fauteuil, pour se fendre de l’avant. La pointe de son épée se posa avec précision sur mon sein gauche, piquant à peine le samit de mon bliaud. Elle éclata de rire, dégagea sa pique et déposa un baiser léger sur ma joue avant de gagner la porte et de se retourner.
    — Oui, tu as raison, Loanna de Grimwald. Mais je veux Toulouse et, cette fois, je l’aurai.
     
    Henri, curieusement, s’emballa à cette perspective.
    De fait, les vilenies de Raymond V faisaient l’unanimité contre lui. Tous ses voisins en étaient excédés. Si Louis de France participait mollement à la querelle, les prétentions d’Aliénor, cette fois, pourraient aboutir. Car Henri voyait plus loin qu’une simple affaire de succession bafouée. En annexant Toulouse à son royaume, il s’ouvrait une entrée sur la Méditerranée et, avec ses ports, sur les richesses d’Orient.
    La dernière séance de l’échiquier, qui permettait de vérifier la comptabilité du royaume, avait approuvé celle des shérifs. Les finances étaient rééquilibrées après de longues années de déficit sous la gestion pitoyable d’Étienne de Blois, le pays pacifié. Robert de Leicester, qui assurait la fonction de justicier, pouvait, seul, en assurer la garde. Face à leurs arguments, je n’eus d’autre choix que de m’incliner.
    Début janvier, je regagnai Blaye. Outre le plaisir que je voulais prendre à profiter des miens et à retrouver nos terres, Henri m’y avait donné mission d’accueillir le comte de Barcelone, avec qui il voulait traiter.
     
    *
     
    Mon Geoffroy hoquetait dans une détresse qui me poignit le cœur. Le petit furet que nous avions découvert la veille sous l’escalier d’une des tours du castel était bien mal en point à la nuit tombée et, malgré tous mes soins, venait de succomber à la blessure qu’un chien ou un renard lui avait infligée. Agenouillée sur le sol de terre battue, j’attirai mon fils dans mes bras tandis qu’Eloïn enroulait la petite bête dans une chiffe. Du haut de ses six ans, elle masquait sa propre tristesse d’un voile de dignité. Elle se rapprocha de nous, immobiles dans la souillarde où Bertrade, notre cuisinière, restée debout dans l’encoignure de la porte, nous avait admis à regret, convaincue que ce n’était pas notre place. La main d’Eloïn s’envola dans les boucles brunes de son frère.
    — Faut pas pleurer, Geoffroy, il retourne au Grand Tout, dit-elle, me frappant par l’évidence des mots que je n’avais pas trouvés.
    Plus les jours passaient, plus elle grandissait en lumière et en beauté. Cela faisait deux semaines à présent que nous étions en Blaye. J’attendais la réponse du comte de Barcelone, Jaufré faisait le tour des villages de sa châtellenie et les enfants découvraient ce lieu que nos incessants voyages leur avaient volé. Depuis l’absence de la progéniture d’Aliénor, leur complicité allait croissant et venait de trouver son apogée avec l’animal blessé.
    Geoffroy tua un dernier sanglot contre mon buste avant de redresser un visage ravagé.
    — M’en fiche, du Grand Tout, hoqueta-t-il en passant, avant que je n’aie pu l’essuyer, une manche sur son nez morveux.
    — Voyons, petit sire, si monsieur l’abbé vous entendait, le gronda gentiment Bertrade.
    La réponse fusa de la même estamelle :
    — M’en fiche de monsieur l’abbé !
    Bertrade se signa dans un « oh ! » indigné et, comme ma fille, je soupirai.
    — Ni ta peine ni ta colère n’y changeront rien. Il était bien trop affaibli. La vie choisit

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