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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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d’offrir à notre visiteur ce qu’il demanderait. La porte se referma sur notre mutuelle incompréhension tandis que nous nous hâtions pareillement à nous vêtir, refusant l’aide de nos valets. Puisque Louis de France avait pris précaution de taire son identité, il convenait pour le moins de la respecter.
     
    Nous le trouvâmes installé dans la cuisine, discutant avec Bertrade comme un simple messager. De fait, la simplicité de son habit de voyage autant que de celui des deux hommes assis à ses côtés pouvait aisément tromper. Je ne doutais pourtant pas que le reste de son escorte se tenait à proximité. Louis se leva à notre entrée et je tus ma révérence devant son regard insistant.
    — Si vous voulez bien me suivre, l’invitai-je avec amabilité.
    Il remercia Bertrade pour la subtilité du pâté de morilles qu’elle lui avait servi, la laissa rosir près de ses compagnons et nous emboîta le pas.
    Ce ne fut qu’une fois isolés que nous nous courbâmes devant lui. Louis nous releva d’autorité.
    — Point de courbettes, sire de Blaye, c’est moi qui suis céans votre obligé, à me présenter à point d’heure.
    — Votre Majesté est chez elle partout, nuit et jour, se fendit de nouveau Jaufré.
    Louis sourit. Et ce sourire même, si peu souvent entrevu, allégea mon inquiétude. Je lui proposai de s’asseoir. Il secoua la tête.
    — Je ne resterai pas assez longtemps pour profiter de votre hospitalité. D’aucuns trouveraient étrange que revenant de Normandie vers Paris je m’égare en vos contrées.
    — J’en conviens, Votre Majesté. Mon époux et moi-même n’en sommes que plus honorés. Nous vous écoutons.
    — Il va de soi que ma confiance à votre égard, dame Loanna…
    — … peut sans aucun doute s’accorder à Jaufré, terminai-je.
    — Bien.
    Il s’adossa au lutrin sur pied sur lequel trônait encore l’abécédaire que le précepteur des enfants utilisait. Croisa ses bras sur son mantel de voyage qu’il n’avait pas pris la peine d’ôter.
    — Il y a quelques mois, vous m’avez arraché un pardon que jamais je ne pensais pouvoir accorder. Je ne souhaite pas le reprendre, or, vous le savez, une guerre se prépare contre l’un de mes vassaux et je ne peux rester neutre. Malgré ses arguments, j’ai senti le roi d’Angleterre ennuyé de ma position. Je sais aussi que le roi d’Ecosse a armé quarante navires pour lui prêter main-forte, que par la Manche s’en viennent sept cents chevaliers équipés par Thomas Becket et que même Guillaume, le bâtard d’Etienne de Blois, s’est mis en marche avec ses gens pour rejoindre ceux qu’Henri arme de son côté.
    J’accusai la nouvelle avec surprise.
    — Je vous découvre fort bien renseigné, moi-même je l’ignorais.
    Il eut un petit rire, inhabituel.
    —  Si vis pacem, parabellum {4}   !
    Je hochai la tête, répliquai d’un même esprit :
    —  Qui nescit dissimulare, nescit regnare {5} .
    Son œil s’éclaira.
    — En effet. Henri possède les moyens logistiques d’emporter Toulouse. Nous le savons pareillement. Il ne veut pourtant pas d’une guerre avec la France qui ruinerait nos deux pays.
    — Mais il ne peut plus reculer.
    Il eut un sourire en coin.
    — D’autant qu’Aliénor ne le lui pardonnerait jamais.
    Il savait de quoi il parlait.
    —  Felix qui potuit rerum cognoscere causas {6} , murmura Jaufré, demeuré en retrait, pour faire bonne mesure.
    Les épaules de Louis s’affaissèrent légèrement.
    — En d’autres temps oui, messire de Blaye, cela m’aurait réjoui. Pas ce jourd’hui. Car Henri ira de l’avant et je ne peux voir qu’avec tristesse les conséquences de son entêtement. Des enfants éventrés sur le bord des routes, des femmes violées, des vieillards piétinés et des villages pillés par des mercenaires avides et sans scrupules, qui déborderont le cadre de leurs prérogatives en arguant la légitimité de cette guerre.
    Son regard, un instant endeuillé, s’affermit de détermination.
    — Je suis venu lui proposer une alliance secrète pour l’empêcher. Une alliance contre Aliénor.
    Je tressaillis. Sa main battit l’air devant lui.
    — Rassurez-vous, dame Loanna, rien d’irrévérencieux. Juste un argument pour qu’Henri renonce aux portes de Toulouse sans perdre la face ni mécontenter son épousée. Assorti, bien évidemment, de quelques compensations pour ses frais engagés.
    J’éclatai d’un rire clair face à son œil

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