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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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renouvelé d’être, à travers lui, une partie de ce Grand Tout habillé de lumière.
     
    *
     
    Le comte de Barcelone arriva au lendemain d’Henri et Aliénor, pour le 15 février. Nous le reçûmes en toute discrétion ainsi qu’il le réclamait, servis par un hiver d’une clémence inhabituelle. Dans la modeste salle de réception du castel, près de l’âtre flamboyant, une fois les sujets de conversation épuisés avec les banalités d’usage, Henri aborda celui de Toulouse. Raymond-Beranger, le cinquième du nom, se révéla, ainsi qu’on le supposait, ravi de l’aubaine et nous confirma que Raymond Trencavel de Carcassonne les appuierait. Cet accord tacite entériné, l’homme, d’une forte corpulence et au visage envahi de couperose, nous avoua avoir espéré une alliance entre sa fille Bérangère et le jeune Richard. Henri s’en déclara ravi. Si bien que, quelques heures plus tard, dans une atmosphère allégée des questions de stratégie, on riait d’anecdotes savoureuses sur l’ennemi devenu commun, en sirotant cet élixir de prunelle que Jaufré avait soutiré d’un barriquet.
     
    De fait, tout semblait vouloir servir la cause des époux royaux. Lorsque Henri décida d’un impôt de guerre qui arracherait deux marcs par seigneur anglais et soixante sous par chevalier normand, aucun d’eux ne s’y opposa. Mieux, en quelques semaines, les coffres étaient remplis et il enrôlait des mercenaires. Nous laissant à Blaye où Jaufré et moi avions décidé de demeurer jusqu’à la fin des opérations, Henri et Aliénor regagnèrent Poitiers pour achever leurs préparatifs et lancer l’ordre aux grands de l’empire Plantagenêt de s’armer.
    On arrêta la date. Le 24 juin de cette année 1159 verrait s’ébranler l’ost.
    Début mars, pourtant, Henri s’accorda à la requête que j’avais formulée avant qu’il ne quitte Blaye. Il demanda audience à Louis de France, refusant de briser une entente si difficilement gagnée. Louis accepta non seulement l’entretien, mais aussi de se rendre à Tours, où Henri le conviait. Il y fut reçu en ami, fastueusement comme il pouvait s’y attendre, mais Henri, resté sur la vision d’un roi embarrassé de sentiments contradictoires et de mollesse à l’égard d’Aliénor et de leurs filles, trouva en face de lui un monarque inflexible.
    — Vous me demandez d’oublier la coutume féodale, de tourner dos à un vassal en difficulté. Quel roi serais-je si je vous accordais ce que vous-même vous me refuseriez ? lui servit Louis avec rudesse mais sans animosité.
    Ils se séparèrent sur cette évidence. Henri ne renonça pas pour autant. Il s’empara de tous les arguments en défaveur du comte de Toulouse puis réinvita le roi, à Heudicourt, cette fois sous le prétexte d’une chasse à courre. Louis y participa avec quelques-uns de ses vassaux, dont Thibaud de Blois, qui fut bien aise de ne pas y rencontrer Aliénor, restée finement en retrait des tractations.
    Mais, une fois encore, malgré une belle journée ensoleillée, des rabatteurs efficaces, des chiens superbes et deux cerfs abattus dont Louis reçut la ramure en trophée, rien n’y fit.
    — Je suis de justice autant que vous l’êtes. Celle de mon royaume ne peut être maintenue que par ma souveraineté. Si vous forcez Toulouse, vous me trouverez, réaffirma Louis avant d’accepter l’accolade qu’Henri lui offrait en guise de congé.

22
     
     
    C e 21 mars nous voyait dormir, Jaufré et moi, dans les bras l’un de l’autre, lorsque deux coups furent frappés avec insistance à la porte de notre chambre. M’arrachant la première au sommeil par cette faveur qu’ont les mères de ne dormir toujours que de moitié, je donnai l’ordre d’entrer. Bertrade parut sur le seuil, son chainse de nuit recouvert d’un mantel, une lampe à la main.
    — Un visiteur vient de s’annoncer, madame. Il réclame de vous audience immédiate.
    Redressé à son tour contre le traversin, Jaufré, qui se frottait les yeux, grommela peu amène :
    — Au nom de quoi ?
    — Au nom de la paix, répondit une voix masculine derrière Bertrade.
    Je fixai Jaufré une seconde, interloquée. Cette voix, si elle me surprit dans le contexte, me fit pourtant rejeter sur-le-champ les couvertures.
    — Accordez-moi quelques minutes de décence…
    — Elles sont vôtres, si je puis me restaurer.
    Réveillé tout à fait, l’oreille refaite au timbre, Jaufré donna l’ordre à Bertrade

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