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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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nouvelle influence de son ancien chancelier, blêmit légèrement sous sa couronne. Becket le fixa droit dans les yeux, séparé de lui par quelques toises dans cette demi-arène où le roi s’était invité quelques minutes plus tôt.
    — Par ses biens et ses ressources, l’Église doit œuvrer en faveur des plus démunis, pas des princes, Votre Majesté. Nous ne tolérerons pas de telles mesures.
    Henri redressa le menton, le railla :
    — La leçon vous va bien, Thomas Becket, vous, mon charognard d’hier, qui tant de fois par le passé avez poussé jusqu’en les plus lointaines abbayes d’Angleterre pour vous en faire remettre impôt. En avez-vous alors versé une part aux loqueteux et aux pouilleux ? Nenni. Ils servaient aux besoins de la cour, et par ricochet aux vôtres !
    L’argument fit mouche dans les rangs. Becket ne s’en émut pas. Il écarta ses bras pour faire taire les murmures d’indignation.
    — Voilà pourquoi, mon roi, ces loqueteux et pouilleux récupèrent ce qui leur revient. Ma table est devenue la leur, ma maison leur maison. Je ne possède plus rien, sinon la paix de Dieu, et sème mon repentir dans les champs de sa bénédiction.
    Henri haussa les épaules.
    — Je vous en laisse la récolte spirituelle. L’autre, d’espèces sonnantes et trébuchantes, entrera dans mes coffres. Par la raison ou la force, termina Henri avant de tourner les talons.
     
    Janvier 1164 n’était pas fini qu’il faisait placarder les constitutions établies en la ville de Clarendon. Outre les éléments soulevés par Henri au cours du synode, leur texte réduisait l’ingérence du pape et les privilèges du clergé, les ramenant à l’usage qu’ils avaient du temps de son grand-père, Henri I er Beauclerc. Un des articles, tout particulièrement, souleva remous. De fait, de nombreux abus avaient terni l’image de l’Église. Quand ce n’étaient ces prélats débordant de graisse et de fourrures, c’étaient des religieuses qui s’étaient ouvertes à la fornication avec des convers, comme en l’abbaye d’Amesbury, ou des prieurs qui copulaient en sodomie avec des enfançons hurlant de douleur. Les scandales éclataient, entraient au tribunal de Dieu et n’en ressortaient plus. On éloignait les coupables, qui avaient acheté leurs indulgences, et l’affaire s’en tenait là. Je savais qu’Henri estimait inacceptables, et depuis longtemps, ces pratiques. Lors, il décida que, désormais, tout clerc coupable de faute grave ou de meurtre serait jugé par un tribunal civil au même titre qu’un laïc, sans pouvoir se défausser sur le jugement de Dieu ou la protection des archevêques. Je ne pouvais qu’approuver ce point. Trop souvent, j’avais mêlé ma voix à la sienne, trop souvent Becket lui-même s’en était indigné. Si j’avais refusé de me faire le porte-parole d’Henri auprès de lui, c’était par affection pour l’un comme pour l’autre, ne doutant pas que dans les grands débats comme celui-ci ils se retrouveraient unis.
    La première visite que je lui rendis à Cantorbéry me conforta dans ce sens. Becket n’avait réagi que sur un point des constitutions de Clarendon. Celui qui privait le clergé de plus de la moitié de ses revenus anglais, défavorisant les gueux. Pour le reste, il avait tempéré, à la condition qu’Henri juge ses barons accusés des mêmes débauches avec autant de sévérité que les prélats. Henri y avait consenti. Aliénor s’y appliquait déjà dans ses domaines, et il avait lui-même fait battre à mort un de ses vassaux qui, par jeu, avait fait dévorer douze nourrissons par des chiens affamés.
    Ils se virent une dernière fois à Northampton, discutèrent comme de vieux amis retrouvés puis s’étreignirent en se quittant. Le lendemain, Becket annonçait haut et clair qu’il avait contresigné les actes.
     
    La situation se renversa quelques semaines plus tard. Pour autant qu’il eût besoin du soutien d’Henri, le pape ne pouvait admettre de telles intrusions dans les affaires de l’Église. Becket tergiversa, appuya ses arguments en faveur du roi, puis, devant une ultime injonction, courba l’échine et se rétracta. Henri s’enflamma. Il le provoqua jusque sous ses fenêtres, le traita de parjure avant de claquer du sabot de son cheval et de s’en retourner.
    La guerre, cette guerre que j’avais tant redoutée, était déclarée. Je voulais pourtant croire encore que reviendrait la paix.
    De fait, Henri

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