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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Eloïn tourna vers moi son visage de nouveau serein.
    — Ton sang sera de compatibilité. Il faut le lui donner, mère.
    Je m’installai au chevet de ma reine, sur cette chaise qui s’y trouvait et, qu’empilant des livres sous ses pieds, je rehaussai d’un quart de toise. Je relevai le manchon du chainse qui recouvrait mon poignet sous la manche en entonnoir de mon bliaud. Tendis l’intérieur de mon coude à ma fille. Sans s’émouvoir ni se presser, elle garrotta mon avant-bras, puis fit de même avec celui de la reine. Du temps que nos veines gonflaient, elle entailla en biseau un fin et long roseau qu’elle avait apporté. Elle m’incisa la première, d’un geste sûr, vif, comme guidé par une main invisible, puis nous relia l’une à l’autre. Semblant revenir à la réalité par cet influx soudain en elle, Aliénor tourna sa tête vers moi, délicatement. Je lui souris avec confiance et amour. Sans plus d’expression que la seconde d’avant, elle me fixa, fixa jusqu’à ce que vienne une larme, une seule larme, mais qui sembla ne vouloir tarir jamais.

37
     
     
    L a nouvelle s’empara du castel par l’indiscrétion d’une servante que j’envoyai chercher linge et eau chaude. La reine était en enfantement et le sang épongé n’augurait rien de bon. Deux heures plus tard, la rumeur se relayait de couloir en salle d’apparat, d’alcôve en placard à balais ; tous savaient. Henri fut un des premiers avertis. Agenouillé sur le matelas, il troussait allègrement Rosamund, rompue à quatre pattes sur la courtepointe, les gémissements étouffés par un oreiller qu’elle plaquait contre sa bouche. Refusant tout d’abord l’accès à sa chambre, il perdit toute ardeur en entendant, par-delà l’épaisseur de la porte, son fidèle ami Thomas Antelburgh crier que la reine se mourait. Désarçonnée de cette chevauchée sauvage, Rosamund roula sur le côté, entre la jouissance de cette surprise et la frustration de ne l’avoir vulgairement consommée dans un dernier coup de reins. Son plaisir retomba lorsqu’elle découvrit Henri, évidé de couleurs, occupé déjà à ranger son vit ramolli dans ses braies remontées. Elle ramena ses mollets contre ses cuisses, redressa le buste, s’assit puis attira les draps pour recouvrer décence. Injustement blessée de l’inquiétude qui le tenait, elle ne trouva rien de mieux que lui en faire reproche :
    — Vous l’aimez encore, avouez-le.
    Il lui tourna le dos, rabattit sur ses épaules le bliaud au velouté d’émeraude qu’elle lui avait précédemment arraché.
    — C’est la mère de mes enfants et la reine d’Angleterre, Rosamund. À défaut d’amour, elle a conquis ma tendresse et mon respect.
    Il récupéra sa ceinture aux cabochons d’or, reléguée jusque-là aux carreaux de terre cuite, l’ajusta à sa taille musculeuse, puis, d’un geste sûr, en boucla le fermoir. Alors, seulement, il se retourna vers elle, les traits tendus, le regard dur.
    — Rhabillez-vous et attendez quelques minutes après mon départ pour vous éclipser. Je ne veux pas d’un scandale autour d’elle, Rosamund. Suis-je clair ?
    Elle masqua à peine son amertume derrière un sourire.
    — On ne peut plus, mon roi.
    Il s’adoucit, voulut se pencher au-dessus de la couche. Rosamund n’avait que faire de si piètres excuses. Elle détourna la tête. Il renonça à son baiser, le cœur bousculé de sentiments contraires. Comme seul rempart entre ses inutiles remords et ses douloureux regrets, il crissa d’une voix froide :
    — Réjouissez-vous au lieu de bouder. Avant ce soir, vous aurez, semble-t-il, ce dont vous, vous rêviez.
    Il sortit sans se rendre compte à quel point Rosamund Clifford s’en sentit humiliée.
     
    Tandis qu’au pas de son ami Antelburgh, qui l’avait attendu derrière le battant, Henri se faisait donner de plus amples détails et se rapprochait de la reine, Rosamund, n’ayant d’autre choix, se pliait amèrement aux ordres qu’elle avait reçus. Elle se tamponna l’entre-jambe à l’eau de mélisse d’une bassine, se sécha, se rhabilla, rajusta son allure et sa coiffe puis se mêla aux autres courtisans atterrés d’angoisse. Elle n’eut aucune peine à simuler son chagrin. L’affront d’Henri lui donnait autant la nausée qu’envie de pleurer.
     
    La porte de la chambre d’Aliénor s’ouvrit sur Henri, et Eloïn se recula du lit pour le saluer d’une révérence. Il prit aussitôt la mesure, à

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