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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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trône et Rosamund se trouverait désormais ce geste. Henri en demeurerait esclave jusqu’à son dernier jour. Repoussant un ultime vertige, je m’étais levée. Enfin. Je tendis les bras. Henri me confia l’enfançon. Ensuite, seulement, il tomba à genoux et chercha la main d’Aliénor. Elle ne se refusa pas, accepta la sienne souillée d’elle et cependant lavée d’une autre.
    — Puissiez-vous un jour me pardonner, ma reine…
    L’enfant hurla. Elle ne lui accorda pas un regard, tout entière dans celui d’Henri.
    — Jamais, Henri. Vous l’aimez trop. Vous n’y pouvez rien. Moi non plus.
    — Alors quoi ?
    — Je vous l’ai dit. Je suis la reine et le resterai. Mais je rentre chez moi, en Aquitaine, et ne reviendrai que si, impérieusement, mon devoir l’exige.
    Il tomba le front sur son poing. Elle caressa une dernière fois cette tignasse de plus en plus brune, indifférente aux gestes d’Eloïn qui fourrageait ses chairs pour achever sa délivrance, aux miens pour laver le nouveau-né dont le cordon venait d’être coupé. La douleur, la vraie, était au tréfonds de son âme.
    — Une chose encore avant que vous ne passiez cette porte pour ne plus la refranchir. Cet enfant. Je ne veux plus le voir, plus l’entendre. Il est vôtre. Seulement vôtre, puisque le fruit de votre trahison. J’emmène les autres. Tous, à l’exception de votre héritier.
    Il redressa son visage, marbré de vermillon.
    — Je comprends…
    — Non vous ne comprenez pas. Ce fils, né de votre épée, en a ensanglanté la lame. Je vous le prédis. Comme vous m’avez trahi, il vous trahira. Comme vous avez espéré ma fin, il espérera la vôtre.
    Je blêmis. Autant qu’Henri et Eloïn. Indifférente à nos mines, Aliénor planta son dard une dernière fois :
    — Cet enfant sera ma vengeance, Henri. Il vous tuera.
     
    Quelques minutes plus tard, Rosamund Clifford se voyait discrètement remettre un billet dans lequel Henri lui demandait de le rejoindre en ses appartements. Elle ne douta pas qu’il voulait lui apprendre avant tout autre le trépas de la reine. Elle s’excusa auprès de ses amies, pétrifiées d’angoisse, prétexta des mauvaises nouvelles de son époux et se hâta. Lorsqu’elle poussa la porte de cette chambre dans laquelle Henri l’avait bélinée moins de une heure plus tôt, elle ne trouva que deux de ses familiers. Ils l’invitèrent avec tous les égards dus à son rang à les suivre par le passage secret qu’ils ouvrirent sous son nez.
    — Ordre du roi, annonça en souriant Thomas Antelburgh.
    Elle obtempéra, entre la curiosité et l’impatience. Ils s’immobilisèrent à hauteur de la chambre d’Aliénor, firent coulisser un taquet de bois. Rosamund colla un œil amusé à la fine meurtrière. Son sang se figea devant l’enfant qu’Eloïn nettoyait. Plus encore devant le regard de la reine, froid et vengeur, sur elle. Instinctivement, elle se recula. Antelburgh referma l’œilleton.
    — Comme vous l’avez pu voir, la reine et son fils se portent bien. Le roi souhaite que cet état leur dure.
    Elle manqua défaillir. Trouva pourtant le courage de s’enquérir :
    — Allez-vous m’occire ?
    — Non point, damoiselle Rosamund. Seulement vous escorter à résidence. Le temps pour la reine de quitter le pays.
    Elle sentit ses jambes flageoler.
    — Est-ce à dire… ?
    — Qu’elle n’y reviendra pas.
    Rosamund ferma les yeux. Triomphe ou défaite ? En cet instant, elle ne savait plus.
    — Et Henri ?
    — Il vous prie de l’attendre sous bonne garde. Il craint pour votre sécurité.
    Rosamund hocha la tête, soulagée. Henri ne l’avait pas trahie. Il avait répudié la reine. Elle s’allégea de cette évidence. Le poison ne servirait pas. Elle sourit dans la pénombre de l’endroit.
    — Alors, hâtons-nous, messires. Plus tôt je serai au secret, plus vite le roi me reviendra.
    — À n’en pas douter, damoiselle, lui concéda en toute sincérité Thomas Antelburgh.
     
    Nous accordant au souhait d’Aliénor et d’Henri, ni Eloïn ni moi ne racontâmes les terribles circonstances de cette naissance. Le royaume ne retint que le fait. Un petit Jean était né. Il était le huitième de la lignée d’Henri Plantagenêt et Aliénor d’Aquitaine. Il fut baptisé discrètement, confié à une nourrice. Aliénor ne parut pas. Pas plus qu’elle ne remercia Henri d’avoir ôté de sa vue Rosamund Clifford. Elle présida la cour plénière de ce

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